Il y a, dans ce nom joli, tout du tempérament belge, rieur et quelque peu absurde: l'Orchestre du Mouvement Perpétuel, projet mené par le Flamand Peter Bultijnck qui, à son deuxième album, The All&Nothing Show, se produit pour la première fois à Montréal, grâce au Coup de coeur francophone.

«Le modèle belge a toujours été un modèle pour le monde entier, explique Peter Bultijnck, avec un accent qui rappelle celui d'Arno. Ce n'est pas pour rien que Bruxelles a été choisie comme capitale de l'Union européenne!»

 

Le modèle belge? Un modèle cosmopolite et multiculturel, dans lequel les Québécois se reconnaissent. Outre la dualité linguistique (officielle, le français et le flamand), la capitale Bruxelles, qui vit majoritairement en français dans une enclave flamande, est aujourd'hui devenue un carrefour des cultures, africaine et maghrébine surtout.

Ainsi, Peter Bultijnck a fait de son Orchestre du Mouvement Perpétuel une autre sorte de melting-pot culturel, invitant à la même table rock, chanson, électro, funk, jazz et tango. Tout ça en français, de surcroît.

«Avec The All&Nothing Show, j'ai réussi à faire un disque beaucoup plus réfléchi que le premier. J'ai travaillé avec plus de vrais instruments, et j'ai invité plus de musiciens. Le premier était seulement électronique; pour le second, la section rythmique est, disons, traditionnelle. Le son y est plus ample, plus riche, et, au final, un peu plus rock, je crois.»

Groupe inclassable

Bultijnck faisait du rock en anglais avant de fonder l'Orchestre du Mouvement Perpétuel. «Je viens d'Ostende. Nous sommes tout près de l'Angleterre, j'ai grandi en écoutant le rock anglo-saxon. Je me souviens qu'à Ostende, lorsqu'on faisait les courses, on croisait beaucoup d'Anglais - il y avait un véritable échange! En même temps, mes parents écoutaient de la chanson française, bien que ça restait exotique pour moi. Gainsbourg, Dutronc, ça arrivait jusque chez nous. J'ai choisi de chanter en français parce que je tenais à participer à la Biennale de la chanson française» de Bruxelles. Il y a participé, remportant même le premier prix, en 2004.

Il y avait un filon à exploiter dans cette approche sans a priori, d'une audace pas du tout mesurée, qui fait le génie de l'Orchestre. Les deux albums du projet s'écoutent comme un tout: il faut moins s'attarder aux détails, aux références musicales qui apparaissent brièvement et à la chaîne d'une chanson à l'autre, pour mieux goûter l'ensemble.

Ainsi, ce The All&Nothing Show est supérieur à la somme de ses éléments de rock et de chanson, singulier dans la manière dont tout ça est disposé sur l'album. «Il y a un décalage entre ce projet et la critique. C'est un groupe inclassable. Je juge que les gens sont contents lorsqu'ils sortent de nos concerts, mais en même temps, on suscite une sorte de curiosité qui nous permet d'avancer, d'intéresser pas seulement les Belges, mais aussi les Français, et maintenant les Québécois. C'est, je crois, la recette pour profiter d'une longue carrière.»

«Je ne fais pas vraiment de la chanson française, m'a-t-on déjà dit. Ni dans la langue ni dans les arrangements.» Un truc unique, musicalement éclaté, inspiré, assure son auteur, par les David Bowie et The Stooges. «The Stooges, c'est le top, à mon avis.»

Et Leonard Cohen. Vraiment? Sur The All&Nothing Show, on découvre avec surprise une traduction du classique Chelsea Hotel... devenu L'hôtel bruxellois. «Je l'ai transposée dans un contexte que je connais mieux, loin de New York et de Janis Joplin qui a inspiré Cohen. L'hôtel, ainsi que je le perçois, est une image. On arrive, le lendemain, on repart. C'est le mouvement, plus que le lieu. Au fond, c'est une chanson qui rappelle le caractère éphémère de notre existence, et du monde de la musique, tiens, encore plus éphémère. Les artistes sont très fragiles...»

L'Orchestre du Mouvement Perpétuel se produit ce soir, 20h30, au Lion d'or.