Pour le public «world» de Montréal, cette Africaine est peu connue. Originaire du Zimbabwe, elle vient néanmoins présenter vendredi prochain un répertoire de trois albums studio, dont Rebel Woman, son tout récent sous étiquette Cumbancha. Chiwoniso Maraire, connue également sous le diminutif de Chi, est issue d'une famille d'intellos et artistes d'Afrique australe, née et élevée en bonne partie aux États-Unis.

En témoigne sa musique africaine teintée de soul, funk, R&B, reggae et rock. Dans son répertoire, l'omniprésence du mbira conserve le lien avec son patrimoine. Le mbira, il faut dire, est un instrument fondamental de la culture africaine, fait de lamelles reliées à une petite caisse de résonance. Au Zimbabwe, le mbira est un constituant central de la musique traditionnelle.

Même si elle a passé une bonne partie de son existence aux États-Unis, Chi fut rapidement immergée dans les traditions musicales familiales. Son père, Dumisani Maraire, était un musicien respecté au Zimbabwe avant de s'installer dans l'État de Washington afin d'y poursuivre des études en ethnomusicologie.

Père musicien et intellectuel, mère chanteuse. Dès l'âge de 4 ans, Chi jouait du mbira. À 9 ans, elle enregistrait sa première chanson et, à 11 ans, son père l'intégrait au groupe familial Mhuri YaMaraire. À la maison, on écoutait bien plus que de la musique africaine; James Brown, Michael Jackson, Aretha Franklin, les Stones, Bach et autres Mozart ont nourri l'éclectisme de Chi.

«En fait, nous apprend-elle au bout du fil, je n'ai pas tout à fait choisi ma carrière de chanteuse, c'est plutôt la carrière qui m'a choisie! Je suis d'ailleurs toujours intéressée par d'autres sujets d'études, la psychologie, par exemple. En fait, la musique est devenue une activité sérieuse dès mon adolescence. J'ai chanté sur des scènes toute ma vie, ça a toujours fait partie de ma vie.»

«Le Zimbabwe est mon âme, ajoute-t-elle, mais je me suis établie de nouveau aux États-Unis (en Californie) parce que j'avais vraiment besoin d'un changement. Je voulais faire de nouvelles rencontres dans mon milieu professionnel, ça devenait frustrant d'être isolée à Harare. Cela étant dit, mon choix de résidence n'est pas définitif. Je retourne régulièrement au Zimbabwe, soit tous les cinq ou six mois. Ma musique et mes textes comportent tous des éléments de ma culture africaine. Mes chansons sont le reflet de ma vie, de ma nature profonde, de mon identité.»

En 1990, Chiwoniso est partie vivre au Zimbabwe. L'adolescente de 15 ans est devenue rapidement une figure importante de la scène musicale de Harare. En 1997, elle a réalisé son premier album solo (Ancient Voices), et Radio-France Internationale lui a décerné le prix Découverte RFI Afrique. Une décennie plus tard, la voici qui investit les grandes ligues de la world music avec son nouvel album, Rebel Woman.

«Mon premier album, résume-t-elle, m'avait vraiment lancée. Mon deuxième était plus acoustique. Pour Rebel Woman, j'ai pris mon temps; je voulais peaufiner et rester créative.» Chiwoniso a travaillé plus de trois ans à cet album avec le réalisateur Keith Farquharson. Les séances de travail ont eu lieu successivement au Zimbabwe, en Afrique du Sud, en Angleterre et au Vermont - où la maison Cumbancha a son quartier général.

On n'évitera pas de parler de son pays et du régime Mugabe, très critiqué lors des dernières élections. Chiwoniso préfère parler de son pays dans des termes plus généraux. «Le Zimbabwe, soulève l'interviewée, est toujours présent dans mon travail. Je ne fais pas d'attaques personnelles contre les politiciens, je ne commente pas directement. Je préfère évoquer des situations précises qui me touchent. Le fait que le Zimbabwe ait tenté de s'affranchir économiquement de l'Occident lui a valu de nombreuses sanctions et une déstabilisation majeure de son économie. Notre gouvernement a certes commis beaucoup d'erreurs, mais la situation du Zimbabwe est beaucoup plus complexe qu'on nous la présente généralement dans les médias. En ce sens, je demeure optimiste pour mon pays.»

Les Productions Nuits d'Afrique présentent Chiwoniso en première canadienne, le vendredi 12 septembre au Kola Note.