Il a accepté de sortir de sa retraite «une fois tous les 400 ans, pour elle». Le 22 août, Jean-Pierre Ferland chantera sur les plaines d'Abraham lors du mégaconcert de Céline Dion. Dans sa ferme de Saint-Norbert, il parle de son amitié avec le couple Dion-Angélil ainsi que de sa nouvelle vie de retraité, qui n'a jamais vraiment abandonné sa guitare.

«Non, c'est plate ça. Passe plutôt une de mes chansons!» dit-il à la blague, dans un mélange de provocation et d'espièglerie. Assis face au micro, devant un petit bureau, Jean-Pierre Ferland fait son show. Sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada. Et dans sa petite cabane à sucre où, avec une équipe réduite, il enregistre son émission Écoute pas ça. Pendant deux heures, tous les dimanches de l'été, le chanteur de 74 ans tutoie son auditoire. Il discute de ses coups de coeur musicaux, mais aussi de ses plants de tomate ou encore des Perséides.

«Ça me garde en contact avec mon public», dit-il devant la petite bâtisse aux murs jaunes, où il avait enregistré son avant-dernier album, Écoute pas ça. «Je veux pas laisser ce métier définitivement. Je veux rester un petit peu dessus, parce que je l'aime.»

Le 13 janvier 2007, Ferland faisait ses adieux à la scène devant les 13 000 spectateurs réunis au Centre Bell. Ce dernier concert aurait dû se tenir trois mois plus tôt, mais la veille du grand soir, le chanteur aux 27 albums a été victime d'un AVC.

Depuis, il a tenu sa promesse et ne s'est plus présenté au public. Cela, sans aucune nostalgie, dit-il. À l'écouter parler de sa ferme de Saint-Norbert, dans Lanaudière, on le croit.

Les parterres de fleurs, jaunes de préférence, sont impeccablement entretenus. «Mais les Cappucino dépérissent un peu, soupire-t-il. Elles ont besoin de beaucoup d'eau.»

Celui dont l'album Jaune a été désigné meilleur disque québécois de l'histoire par un groupe de professionnels de la musique est un vrai gentleman farmer. Il conduit son tracteur sur ses hectares de terrain. Récolte l'eau d'érable pour en faire de la tire (une quarantaine de litres l'hiver dernier). Soigne ses arbres attaqués par d'obscures maladies. Mais il n'oublie pas pour autant la musique.

«Dans mon quotidien, je n'arrête pas de chanter. Des chansons de tout le monde. Car je ne veux pas laisser mourir ma voix.»

C'est par amour que celui qui n'a eu de cesse de chanter des romances a accepté la demande de Céline Dion. C'était il y a environ trois mois, raconte-t-il. «Je lui ai dit que peut-être que les gens ne me pardonneraient pas de briser ma promesse. Elle m'a répondu: non, non, au contraire, ils vont être heureux.»

Une autre raison qui a poussé Jean-Pierre Ferland à faire une entorse à sa retraite, c'est la confiance qu'il a en René Angélil: «René, quand il s'implique dans le spectacle, c'est à la fois en tant qu'imprésario de Céline et en tant qu'artiste et musicien. Il connaît la musique.»

Alors il a accepté, le temps de deux chansons. Avec notamment Claude Dubois, Zachary Richard, Éric Lapointe, Garou et Nanette Workman, il fera partie des nombreux invités qui accompagneront la vedette québécoise. Deux cent mille personnes sont attendues.

«Juste pour deux chansons»

«Disons que je me permets de briser ma promesse une fois tous les 400 ans, pour Céline. Mais au fond, je ne remonte pas sur scène. Au fond, je l'accompagne juste pour deux chansons.»

La première fois qu'il a rencontré Céline Dion, elle avait 16 ans. «Je voyais qu'un jour elle deviendrait une grande vedette internationale. Je ne savais pas jusqu'à quel point, mais je savais qu'elle aurait du succès. Car c'est quelqu'un de tenace et qui a une oreille d'une finesse rare.»

Jean-Pierre Ferland lui a écrit la chanson Ma chambre. Tous deux ont chanté en public à quelques reprises, notamment lors du gala de l'ADISQ, en 1998. Ils avaient interprété Une chance qu'on s'a, l'un des plus grands succès de Ferland et l'une des chansons préférées de Dion.

«En plus d'avoir une voix qu'elle contrôle à la perfection, elle a une mémoire phénoménale.» Invité il y a quelques années dans la résidence floridienne du couple Dion-Angélil, il a été subjugué de découvrir à quel point la Québécoise maîtrisait son répertoire.

«On est montés sur le dernier étage de leur bateau et on s'est tous assis par terre. Céline s'est mise à chanter mes chansons. Écoute, je n'en revenais pas: elle connaissait toutes mes chansons par coeur. C'est assez extraordinaire de faire ça. C'est un phénomène, cette fille-là», raconte-t-il, des étoiles plein les yeux.

En plus d'apprécier les talents artistiques de la chanteuse, Ferland trouve remarquable que, malgré sa réussite planétaire, elle ne se soit pas coupée de ses racines québécoises et qu'elle ait conservé son côté modeste.

«Elle fait encore sa vaisselle et sa sauce à spaghetti! C'est quelqu'un d'une modestie magnifique. C'est pour ça que je ne peux rien lui refuser.»

Cet amoureux de la poésie finit actuellement de composer quelques chansons destinées à ses «chanteurs favoris». Début septembre, il doit rencontrer notamment Céline Dion et René Angélil pour leur présenter son travail.

Quand on lui demande s'il pense que, pour réussir internationalement, Céline Dion a profité de la reconnaissance internationale de Gilles Vigneault, Félix Leclerc, Robert Charlevoix et lui, il fronce les sourcils.

«On était juste connus en France. Elle, c'est les États-Unis, l'Europe, la Russie, la Chine. Nous, on n'est jamais allés là!» Après un bref silence, il ajoute avec un petit sourire: «C'est nous qui pouvons profiter d'elle et de sa notoriété.»