Demain soir, l'International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu accueille la légende du country américain Kenny Rogers pour ce qui sera son troisième concert au Québec en un an! Comme si les amateurs de country de la province venaient de retomber en amour avec l'interprète de The Gambler et Lucille. Entretien avec le grand Texan, qui aura 70 ans jeudi prochain.

«C'est vrai? Paul McCartney vous a parlé en français durant son concert? demande Kenny Rogers au bout du fil. Je vais te raconter une histoire: il y a quelques années, j'étais en concert au Québec, et j'ai fait exprès d'insérer une chanson en français dans mon répertoire (il fredonne le refrain, avec son épais accent du Sud), Jeuuuuune Blondeuuu Mais je n'avais aucune idée de ce que la chanson racontait. Or, j'ai fait monter un fan sur scène pour qu'il m'explique le sens des paroles! Lui aussi avait du mal à me comprendre, ça doit être parce que c'est une chanson louisianaise»

Un rigolard, Kenny Rogers. «Pour moi, la musique country doit savoir faire trois choses: rire, pleurer, et réfléchir.» La voix ferme, un brin usée et mélodieuse, comme dans ses chansons. Le sourire dans la voix. Et plein d'énergie, même à l'aube de ses 70 ans -et, surtout, après plus de 50 ans de carrière.

Dès le milieu des années 50, Kenny Rogers se lance dans le métier, d'abord dans un groupe de doo-wop;puis, en 1967, après des écarts vers le jazz, le folk et le rock, un premier projet vraiment sérieux, le groupe The First Edition -«T'es trop jeune pour avoir connu ça, on avait même des chansons psychédéliques!»-, qui embrasse le courant hippie pour enfin se dissoudre en 1976. C'est alors le début de la deuxième vie musicale de Kenny Rogers, et incontestablement sa plus prolifique.

Une poignée de singles lancent sa carrière solo, mais c'est une chanson lancée en 1977, la jolie Lucille -composée par un pur produit Nashville, Roger Bowling, également auteur d'un autre grand succès de Rogers, Coward of the Country-, qui met son nom sur les lèvres de tous les amateurs de country nord-américain.

Kenny Rogers participe alors à l'émergence d'un nouveau courant de la musique country. Tranchant avec le style plus rude (dans le son comme dans les thèmes) des populaires Waylon Jennings et Willie Nelson, Rogers, dont la popularité ne fait que croître durant les années 80, marque l'arrivée du country-pop.

Raconter des histoires

Ses nombreux succès, ses formidables duos (avec Dolly Parton, pour ne nommer qu'elle) et, surtout, ses métissages country-rock ont permis à Rogers, et au country par effet d'entraînement, d'aller rejoindre un tout nouveau public. «Il y a longtemps, au début de ma carrière, je me suis dit: l'important n'est pas de se soucier de faire cette année le plus d'argent possible, mais de m'assurer de faire de l'argent le plus d'années possible, dit le sage. Question de survie. Bien mener sa carrière, c'est aussi savoir produire tout en maintenant la qualité de la musique.»

Vraisemblablement, Kenny Rogers a réussi. Des millions d'albums vendus, aux États-Unis et au Canada surtout, mais aussi en Europe, où il a contribué à faire connaître le country. Les Toby Keith, Billy Ray Cyrus et Keith Urban, qui visent aujourd'hui le sommet des palmarès américains, sont tous des fils de Kenny, en quelque sorte.

«Tu sais, aujourd'hui, je ne peux pas rivaliser avec les kids du métier, ces nouvelles jeunes stars, croit-il. Il faut que je trouve ma niche, et je crois que j'y suis arrivé avec Water&Bridges» -son album de 2006, qui a fort bien fait dans les palmarès. «Ma niche à moi, c'est ce que j'ai toujours fait de mieux: raconter des histoires.»

Et les transmettre aux fans, ce qu'il trouve encore plaisir à faire. «J'étais en concert au Québec il y a quelques jours, et on a eu du bon temps! C'est drôle, parce que j'ai l'impression qu'on n'y parlait pas beaucoup anglais, et moi, j'aime parler, faire des blagues durant mes spectacles. Quand même, je crois que les gens me comprenaient plus que je pense, mais j'ai senti qu'il fallait que je passe plus rapidement aux chansons And boy, those French, they love music!»

Malgré l'âge, Rogers maintient un rythme de travail de star. Une centaine de concerts par année.

«Je travaille environ deux semaines, je reviens chez moi pour deux ou trois semaines, puis je repars Mais je crois que l'année prochaine pourrait être ma dernière année de travail. J'aime de moins en moins m'éloigner de chez moi. C'est difficile de concilier mon amour de la scène et de la musique avec le temps que je veux passer avec mes deux fils durant ce que je crois être des années cruciales de leur vie. J'ai deux jumeaux de 4 ans, tu comprends?»

Kenny Rogers, en spectacle demain soir, 21h, à Saint-Jean-sur-Richelieu dans le cadre de l'International de montgolfières.