Disons que la première moitié du concert n'a pas eu lieu. Dans la Symphonie no 101 de Haydn, dite L'Horloge, pizzicatos et staccatos des violons rendent bien le tic-tac de l'Andante, mais le reste est lamentable: attaques hésitantes, cordes cotonneuses, trompettes coincées. On pleure les Haydn immaculés du dimanche de l'ère Dutoit, on se demande comment le son de l'OSM a pu se détériorer à ce point, on en conclut qu'il n'y a pas eu de répétition. (Ou alors, s'il y en a eu, le présent résultat a de quoi faire peur.)

Les bruyants retardataires entrent à pleines portes, les tousseurs sortent pour mieux tousser, Nagano attend patiemment que le calme revienne. Notre maestro en veut de l'auditoire? Eh bien! en voici.

Vient le motet Exsultate, jubilate débouchant sur le fameux Alleluja virtuose. C'est l'unique «partie Mozart» de ce dernier «Mozart Plus» de l'été. Chanté à l'époque par un castrat dans une église, le motet l'était mercredi soir par une Sumi Jo se déhanchant à l'avant-scène dans une robe émeraude moulante. De l'église, on passe au night-club. Pis encore, la chanteuse de 45 ans nous arrive très diminuée: voix légèrement chevrotante et détimbrée, conduite vocale indifférente, latin prononcé mollement. Pour le style, c'est Despina venant offrir du chocolat à ses maîtresses.

Et pourtant, on note une réelle agilité dans les rapides mélismes de l'Alleluja. C'est le signe que tout n'est pas perdu. Et, effectivement, l'après-entracte sera beaucoup mieux, même à l'orchestre, dont Nagano obtient de solides ouvertures: Rossini, Bellini.

Mais on est venu d'abord pour Sumi Jo et la voici de nouveau, dans une deuxième robe, beaucoup plus spectaculaire que la première (et il y en aura une troisième pour les rappels). La soprano coréenne reprend trois airs d'un disque Erato intitulé précisément Bel Canto qu'elle enregistra en 1996. Déjà bien petite, la voix l'est encore, mais les imperfections notées dans le Mozart s'estompent en même temps que la voix retrouve l'éclat de son colorature, sa justesse, son suraigu, voire son timbre.

Interprète intelligente, Sumi Jo apporte une joie insouciante à l'air de Linda di Chamounix, de Donizetti, et, en contraste, assombrit sa voix, sans vraiment émouvoir cependant, pour les deux héroïnes de Bellini, soit la malheureuse Juliette italienne de I Capuleti e i Montecchi et la démente Elvira de I Puritani. Ovationnée par la foule debout, elle revient en Juliette française de Gounod et en poupée Olympia d'Offenbach et ajoute une chanson coréenne non identifiée.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Sumi Jo, soprano. Mercredi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Dans le cadre de la série «Mozart Plus». (Reprise ce soir, 20h, au Festival Bel Canto de Knowlton.)