Avec le groupe montréalais The Stills, on aurait pu parler de la première partie de Paul McCartney, que le quintette a assurée il y a quelques semaines à Québec. Ou de celle de Jean Leloup, que la formation anglophone fera, le 30 août, à Québec. On en a parlé, d'ailleurs. Mais on a surtout discuté de Oceans Will Rise, le troisième album des Stills, en magasin mardi. Et qui en vaut vraiment la peine.

Tous deux chanteurs, guitaristes, auteurs et compositeurs des Stills, Tim Fletcher, natif de Dollard-des-Ormeaux, et David Hamelin, né à Lachine, sont les premiers en convenir: «On vit une période incroyable...» Des premières parties prestigieuses (c'est quand même pas mal, chanter Two of Us juste avant que McCartney, son auteur, se pointe sur scène), un nouvel album pour lequel le «buzz» est bon, une tournée américaine en novembre avec leurs copains du groupe rock Kings of Leon

La douce ironie de la chose, c'est que leur album Oceans Will Rise traite d'anéantissement intime ou mondial, de catastrophes environnementales ou personnelles, de fin du monde - disons que ça donne un tout autre sens à l'expression punk «no future». Comme un mur des lamentations lumineux, dansant. Car tous ces textes sombres, traversés de vers parfois brillants, se déclinent sur des airs pop dansant avec des guitares parfois piaffantes, parfois percutantes!

Références au ska

Surprenant jusqu'à ce qu'on sache que les tout débuts de Tim, David et leurs copains, ados, c'était au sein d'un groupe ska, The Undercovers. Et le ska, qu'est-ce d'autre que de la musique pour danser en clamant l'absurdité du monde? Pas étonnant que ce soit Gus Van Go, leader du défunt et très regretté groupe Me, Mom&Morgentaler, qui coréalise Oceans Will Rise.

«Au début des Stills (en 2003), tout le monde nous a comparés à Joy Division, alors qu'on ne l'avait jamais écouté; maintenant, on nous parle de Talking Heads, qu'on n'a pas non plus écouté, ou de U2, dont on n'est pas vraiment des fans, dit Tim Fletcher, dans un français joliment métissé d'accent anglais et avec un grand sourire. Comment ça se fait que personne ne se rend compte que ce disque-là est plein de références au ska? D'après moi, c'est parce que les jeunes hipsters branchés n'écoutent pas de ska. Dans Don't Talk Down, je cite un bout de la chanson Nightclub de The Specials, et personne ne s'en rend compte. J'étais sûr de me faire accuser de toutes sortes d'affaires.»

Après le départ d'un des membres du groupe et la sortie du deuxième album, Without Feathers (2006), le groupe s'était déjà fait «accuser de toutes sortes d'affaires», surtout de n'être pas le groupe phare qu'on attendait. «C'est une bonne chose, finalement, explique David Hamelin, avec lui aussi un grand sourire. Parce que, pour Oceans Will Rise, on n'avait rien à prouver, les gens ne nous attendaient pas. Tu sais, c'était une des choses qui étaient vraiment cool en parlant avec Paul McCartney après le show de Québec: il sait que c'est impressionnant de le rencontrer, alors il est gentil, mais surtout, il n'a rien à prouver. C'est libérant, cette sensation. On a pu être ce qu'on voulait, c'est-à-dire pas juste un groupe post-punk indie.»

Chaise musicale

Et tout le monde a joué littéralement à la chaise musicale dans le quatuor devenu quintette. David, qui était officiellement à la batterie, est passé à la guitare («En fait, je devais faire les claviers, mais finalement Liam (O'Neil), le claviériste, est resté!»). Mais le solo de guitare de Don't Talk Down, c'est justement Liam qui le fait: «Liam jouait du jazz sur des croisières, explique David, et quand il est revenu à Montréal, on travaillait à notre premier album (en 2003). Il nous a accompagnés sur le disque et, en tournée, on a toujours tout créé à trois, pour le deuxième disque aussi, et finalement, Liam est maintenant un membre du groupe. Et quand je regarde Julien (Blais) jouer de la batterie, je sais très bien que je ne saurais jamais faire ce qu'il fait!»

Chose certaine, cela donne un disque allumé (où il est d'ailleurs énormément question de feu, flammes, étincelle, incendie, etc.). Que les Stills ont hâte d'interpréter enfin sur scène, et particulièrement en première partie de Leloup, dans 15 jours: «On est un groupe d'Anglos-Montréalais, nos références, nos amis, sont plutôt anglos. Mais il y a deux artistes francophones du Québec qu'on aime vraiment: Jean Leloup et Éric Lapointe. On a grandi avec eux. Ils sont purs, ils sont intenses, chacun à leur façon.»

Ça, les jeunes hipsters le savent-ils?