Pascal Dufour a toujours classé les chansons qu'il écrivait en trois catégories: pour son groupe, pour d'autres artistes et pour lui. Après 17 années de service au sein des Respectables, le guitariste a décidé de se consacrer aux idées qu'il accumulait sur la troisième pile. Il en a tiré un album personnel aux contours rugueux.

C'est ma vie, la chanson qui ouvre le premier album de Pascal Dufour, donne le ton: «C'est le bonheur depuis que j'suis parti/Que notre histoire est loin d'ici/Trop d'erreurs que l'on a commises/Pardonne-moi si j'ai plus envie/Mais après tout/C'est ma vie.» On peut bien sûr penser à une rupture amoureuse. Vu les circonstances, il est toutefois difficile de ne pas y percevoir des références à sa récente séparation d'avec Les Respectables.

«Il y a un bout de la chanson qui pourrait avoir rapport avec ça, mais pas tout», confirme le guitariste devenu chanteur, sans donner plus de détails. Pascal Dufour n'a pas l'air d'un gars amer qui n'attend que le moment de renier son ancienne vie et de discréditer ses anciens coéquipiers. Son sourire et son ton léger sont plutôt ceux d'un gars heureux de se trouver là où il est.

Dix-sept années passées au sein du même groupe, à tout lui donner, c'était assez, tout simplement. Et ce n'est pas parce que Les Respectables préparent un album en anglais et qu'ils ont déjà tenté leur chance dans cette langue qu'il a décidé de partir. «Ce n'est pas un cas de been there, done that, dit-il. J'étais juste rendu à passer à autre chose.»

Pascal Dufour a toujours écrit des chansons qu'il jugeait trop personnelles pour être amenées au groupe. «Ça a été plus fort que moi, j'avais le goût de les chanter et de les jouer comme je les entendais, précise-t-il. Veut, veut pas, quand tu as une idée de ligne de basse et que tu fais partie d'un groupe, tu ne peux forcer personne.» Encore une fois, son ton ne trahit aucune frustration.

Homme orchestre

Sa liberté nouvelle, il en a profité au maximum. Pascal Dufour joue de presque tous les instruments sur Ici, le temps nous appartient: guitares de toutes sortes (électrique, acoustique, classique, dobro, etc.), basse, percussions, wurlitzer et orgue B3. Il fait même tous les choeurs seul. Seuls le batteur Alain Bergé (Youssou N'Dour, notamment) et le claviériste Antoine Gratton ont été appelés en renfort.

«Il a une façon de jouer qui est plus au niveau du groove, rien de carré, dit-il au sujet d'Alain Bergé. Tu l'écoutes et ça bouge tout seul. Antoine aussi a ça. Et son album Il était une fois dans l'Est est dans mon top 5 des meilleurs albums francophones à vie.»

Ici, le temps nous appartient tranche avec l'univers rock dans lequel Pascal Dufour a évolué jusqu'ici. Il est plus chaloupé et mise beaucoup sur les différentes guitares dont il joue, sur la couleur sonore de chacune. «Il y a un peu de Beck là-dessous. Quand il met une couleur à un instrument, il y va à fond, ce n'est pas beige», expose le musicien. Visiblement, il n'aime pas le beige lui non plus. Il aime le soleil (plusieurs chansons contiennent des références au Sud) et les sons francs.

Pascal Dufour et ses collaborateurs à la réalisation (Leonardo De Luca et Cristobal Tapia de Veer) n'ont pas fait un disque poli comme un sou neuf. Même les chansons les plus douces de Ici, le temps nous appartient possèdent un je-ne-sais-quoi de vibrant, voire de rugueux. «On n'a pas enregistré le disque sur des rubans, mais on est allé chercher la personnalité du ruban même si on travaillait en digital», confirme-t-il.

«Je voulais m'éloigner de ce que je connaissais pour me rapprocher de ce que suis, poursuit-il. Le côté rock'n'roll, je l'ai fait en masse. Je ne dis pas que je ne le referai pas, mais pas avec les mêmes gars. J'ai envie de marier toutes sortes de musiques. Est-ce que ça veut dire que ça va être smooth? Je n'en suis vraiment pas sûr!»