Le Festival d'opéra de Munich a présenté jeudi soir une nouvelle production d'Ariane à Naxos de Richard Strauss, à la fête dans sa ville natale avec cette mise en scène du Canadien Robert Carsen, qui excelle au jeu du «théâtre dans le théâtre».

Le spectacle, donné deux autres fois (dimanche et mercredi prochains) au Prinzregententheater (Théâtre du Prince Régent), est le point culminant de la «semaine Richard Strauss» (20-30 juillet) du festival d'été organisé chaque année par le Bayerische Staatsoper (Opéra d'État de la Bavière).

Au gré des dix-neuf productions lyriques, dont deux nouvelles, à l'affiche de son édition 2008 (26 juin-31 juillet), le Festival d'opéra de Munich rend également hommage à Richard Strauss (1864-1949) avec Arabella, Elektra, Salome et Le Chevalier à la rose.

Mais c'est Ariane à Naxos qui devrait rester dans les mémoires, tant la production séduit par le spectacle à la fois plein d'idées, très lisible, drôle et touchant de Carsen et le plateau réuni par le chef d'orchestre américain Kent Nagano, directeur général de la musique à Munich depuis 2006.

Avant même le début de cet ouvrage créé à Vienne en 1916, alors que les spectateurs s'installent, une vingtaine de danseurs sont sur scène, effectuant des exercices au sol et à la barre puis répétant des ensembles, comme pour annoncer que le spectacle sera doté d'une belle matière chorégraphique.

Le metteur en scène donne le ton de sa lecture, qui confronte en permanence le réel et la représentation et se déploie jusque dans la salle pour faire vivre cet exercice d'«opéra sur l'opéra», comme il l'avait fait dans une autre de ses réussites straussiennes (Capriccio, Opéra de Paris, 2004).

Quand les premières notes se font entendre, on pourrait croire que le régisseur son vient d'appuyer sur sa console et non qu'elles émanent de la fosse, où officie un orchestre maison gorgé de couleurs.

Dans le décor de l'Allemand Peter Pabst, à l'allure de plateau de théâtre mis à nu (panneaux-miroirs qu'on déplace, machinerie visible), le compositeur en costume-cravate voit d'un mauvais oeil que son Ariane soit parasitée par l'intervention de comédiens lourdingues vêtus comme des beaufs.

Mais Strauss, et Carsen à sa suite, montrent que l'opéra bouffe peut se mêler au «seria» sans lui nuire. L'acte suivant le prologue se déroule ainsi entre des parois sombres et dans des robes noires (pour les hommes également): l'Allemand Manfred Voss éclaire superbement, en le parsemant d'ombres, l'abandon d'Ariane par Thésée sur l'île de Naxos (ici pure abstraction), avant l'arrivée de son sauveur Bacchus annoncée par une fente de lumière aveuglante.

La délurée Zerbinette adopte les mêmes sobres codes vestimentaires, mais s'encanaille au vu du strip-tease façon Chippendales des hommes qui l'entourent. Jouant à fond sans perdre le fil de ses pyrotechnies vocales, l'Allemande Diana Damrau montre qu'elle est l'une des grandes sopranos coloratures de sa génération, en même temps qu'une belle actrice lyrique.

Le public lui fait un triomphe, de même qu'à la soprano canadienne Adrianne Pieczonka, autre fidèle du Bayerische Staatsoper, qui incarne une Ariane particulièrement généreuse et émouvante.

Si le Bacchus du ténor allemand Burkhard Fritz manque un peu d'épanouissement, les rôles, même secondaires, sont pour la plupart très bien tenus, symptôme d'une maison qui veille à la qualité de ses distributions.