Le konpa haïtien, ce merengue ralenti et parfumé de mélodies antillaises, a plus d'un demi-siècle d'existence.

Le genre connaît une véritable renaissance avec l'arrivée en force des Djakout Mizik, T-Vice, Carimi et autres Kreyol La, tous prévus ce week-end au Festival international de musique haïtienne de Montréal - qui démarre ce soir. Mais il y a encore la facture originelle (ou presque), toujours hautement respectée : invité afin d'y commémorer 40 ans d'intenses activités, Tabou Combo demeure LE monument du konpa, de surcroît le plus renommé à l'échelle mondiale.

Née en 1968, la formation a tôt fait de jouer chaque week-end au Cinéma Paramount de Port-au-Prince. L'année suivante, Radio Haïti consacre Tabou Combo meilleur groupe de l'année. En 1970, le groupe fait ses adieux à ses fans de l'île, plusieurs de ses membres quittent alors le pays pour s'installer à New York - vu le contexte dictatorial en Haïti et les difficultés économiques pour les artistes du pays.

En 1972, Tabou Combo lance Live à la canne à Sucre, enregistré aux États-Unis. Au milieu de la même décennie, le Français Eddie Barclay produit l'album 8e sacrement, dans lequel on trouve la chanson New York City, mégatube pour l'époque. L'album s'écoulera à plus de deux millions d'exemplaires.

Depuis lors, Tabou Combo ratisse la planète. En Afrique et en Europe, le groupe a une stature comparable à Kassav, fameux groupe de zouk martiniquais. En 2001, Carlos Santana reprend la chanson Mabouya de Tabou Combo et la rebaptise Foofoo. C'est dire la notoriété du groupe haïtien, toujours établi à New York.

«Tabou Combo a fait ce que les autres groupes haïtiens n'ont pas fait, c'est-à-dire mettre le konpa au niveau international», insiste Roger M. Eugène alias Shoubou, chanteur principal de Tabou Combo. Joint chez lui à Long Island, il manifeste sa fierté d'avoir ainsi duré.

«Je débarque à peine de Miami, indique le chanteur, nous venons de fêter ces «deux fois 20 ans» avec tous les anciens membres de 1968, dont certains ont quitté le groupe. En fait, il reste quatre membres fondateurs de Tabou Combo parmi les douze qui se produisent actuellement sur scène.»

Pour ainsi se maintenir au sommet du konpa, le fameux groupe a dû faire face à la compétition de ses contemporains (Ambassadeurs, Skah Shah, Shleu Shleu, Scorpio, etc.), sans compter les avancées technologiques que l'on observe dans les nouvelles formations du genre.

«Nous nous sommes adaptés, notamment en introduisant de nouveaux instruments. Et nous avons eu la chance de trouver d'excellents jeunes musiciens qui revigorent la formation. C'est pourquoi l'avenir reste prometteur pour Tabou Combo», pense Shoubou.

«La nouvelle génération konpa, fait-il observer en outre, est certes plus aguerrie au plan technologique. Or, chez Tabou Combo, nous avons conservé le fond d'origine tout en faisant évoluer la forme. Et nos jeunes collègues comprennent très bien le konpa, ils ont intégré la tradition. Juchés sur les épaules des anciens, les modernes voient plus loin!»

Shoubou se réjouit d'ailleurs que les jeunes artistes haïtiens n'aient plus peur de s'affirmer, grâce notamment à Wyclef Jean qui n'a pas hésité à exhiber le drapeau bicolore haïtien. «Tabou Combo, tient-il à ajouter, a aussi contribué à faire reconnaître les Haïtiens. Notamment à Panama, où le groupe s'est produit la semaine dernière.»

Alors? Mission accomplie pour Tabou Combo? Pas si sûr, pense Shoubou.

«Je ne vois pas ma vie sans ce groupe. Si la santé le permet, qui sait si on ne fera pas trois fois 20 ans!»

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Dans le cadre du Festival international de musique haïtienne de Montréal, Tabou Combo se produit ce soir, 22 h, au Complexe Cristina (6566 Jarry Est), Djakout Mizik partage le programme - pendant que T-Vice et Kreyol La jouent au Rialto, également à compter de 22 h. Tabou Combo se produira de nouveau ce dimanche, au parc Jean-Drapeau, avec une foule d'autres groupes haïtiens.