En six mois, le fils de Mia Farrow et Woody Allen, Ronan Farrow, est devenu le journaliste vedette du #metoo, couronné du prix Pulitzer pour avoir fait sortir de leur silence des dizaines de femmes, contribuant à la chute d'Harvey Weinstein et, lundi, à celle du procureur de l'État de New York.

Ronan Farrow est un jeune homme pressé. À 30 ans à peine, ce blond aux yeux bleus a déjà plusieurs vies à son actif: porte-parole de l'UNICEF, avocat, conseiller de Barack Obama puis d'Hillary Clinton, présentateur, journaliste, écrivain, passant de l'un à l'autre apparemment sans effort.

Toute la vie de celui qui fut né Satchel Farrow le 19 décembre 1987 ressemble d'ailleurs à un film en accéléré, avec une entrée à la prestigieuse Université de Bard à 11 ans, un diplôme à 15 ans, puis deux ans à l'ONU avant de débuter son droit à 18 ans, à Yale.

Un parcours atypique pour cet enfant du showbusiness, issu d'un foyer hors norme de 14 enfants, fils de l'actrice Mia Farrow et du réalisateur Woody Allen, avec en toile de fond le spectre de Frank Sinatra, «peut-être» son véritable géniteur, de l'aveu même de sa mère.

Satchel, qui a préféré se faire appeler Ronan, prendra très tôt ses distances avec le metteur en scène, ulcéré par sa liaison puis son mariage avec sa fille adoptive, Soon-Yi Previn, mais aussi par les accusations portées par une autre de ses soeurs, Dylan.

À plusieurs reprises, jusque très récemment, il a pris publiquement le parti de celle qui affirme avoir été agressée sexuellement en 1992 par Woody Allen, son père adoptif, alors qu'elle n'avait que 7 ans.

Décidé à tracer sa route loin de l'ombre encombrante de ce père légende du cinéma, ce brillant esprit à la plastique parfaite, paraissait programmé pour un destin d'exception.

En février 2014, à 26 ans, la chaîne d'information MSNBC lui offre une émission quotidienne, annulée au bout d'un an, car plombée par des audiences faméliques.

Un autre Pulitzer?

Il reste au sein du groupe NBC et se lance dans le journalisme d'investigation. À partir de 2016, il enquête sur Harvey Weinstein, objet depuis des années de rumeurs de harcèlement sexuel.

Issu d'une famille de cinéma, Ronan Farrow navigue aisément dans les arcanes d'Hollywood et démontre un sens du contact très efficace pour recueillir les témoignages de femmes qui n'ont encore jamais osé parler publiquement de leurs démêlés avec le tout-puissant producteur.

Il affirme avoir été finalement bloqué par NBC, frileuse à l'idée de déboulonner une icône d'Hollywood connue pour sa capacité de nuisance.

Il propose alors son dossier Weinstein à l'hebdomadaire The New Yorker, qui l'accueille à bras ouverts. Son article sort en octobre 2017, quelques jours après celui du New York Times sur le même sujet, mais contient beaucoup plus de noms, de femmes identifiées, des stars, et évoque, sans ambiguïté, des viols, ce que n'avait pas fait le grand quotidien new-yorkais.

Un prix Pulitzer viendra récompenser son travail comme celui des journalistes du New York Times.

Depuis, Ronan Farrow a publié une série d'autres articles sur les abus d'hommes de pouvoir, qui ont tous fait grand bruit: une enquête sur les pratiques extrêmes d'Harvey Weinstein pour couvrir ses agissements, mais aussi plusieurs articles sur les méthodes de l'entourage de Donald Trump pour tenir secrètes ses affaires extraconjugales.

Lundi, il a fait plus fort encore, provoquant, en deux heures à peine, la démission du procureur de l'État de New York, Eric Schneiderman, après la publication de témoignages de quatre femmes l'accusant de violences et de menaces.

«Ronan Farrow mérite un autre Pulitzer», a lancé, sur Twitter, Damon Linker, journaliste au magazine The Week, au sujet de ce nouvel article, coécrit avec Jane Mayer.

Pour s'occuper, Ronan Farrow a également publié, fin avril, un livre sur un tout autre sujet, la politique étrangère américaine, War on Peace, actuellement parmi les 30 meilleures ventes aux États-Unis.

S'il est omniprésent sur les plateaux, Ronan Farrow refuse de revendiquer le succès du mouvement #metoo qui, depuis le début de l'affaire Weinstein, fait quotidiennement tomber des puissants.

«Je pense que le paysage a changé et que cela devait arriver», dit-il modestement.