Les journalistes font face à un défi éthique lorsqu'ils doivent aborder l'enjeu du suicide, ou parler d'une vedette qui s'est enlevé la vie, puisqu'ils doivent traiter la nouvelle, sans encourager certaines personnes vulnérables à passer à l'acte.

L'Association des psychiatres du Canada a développé de nouvelles directives sur le sujet, dans lesquelles elle suggère des pistes aux médias pour parler de façon responsable des suicides, sans provoquer de contagion, en plaçant la nouvelle dans un contexte qui explique pourquoi certaines personnes choisissent de s'enlever la vie.

Le principal auteur des recommandations, le docteur Mark Sinyor, a déclaré que l'objectif de ces directives était d'inciter les journalistes à contextualiser leurs histoires et à s'assurer que leur public comprend qu'il n'y a aucune raison valable de commettre un suicide.

Les journalistes doivent insister sur le fait que dans les rares cas où un suicide survient, il s'agit d'une occasion manquée pour une personne qui aurait dû aller chercher de l'aide, a-t-il ajouté.

Le docteur Sinyor, un psychiatre du Centre des sciences de la santé Sunnybrook de Toronto, souligne que les recherches prouvent que les nouvelles des journalistes sur les suicides peuvent influencer les personnes atteintes de dépression ou d'autres troubles de l'humeur, ce qui mène à de plus hauts taux de suicide.

Les nouvelles qui présentent des gens ayant surmonté une crise suicidaire en allant chercher de l'aide ont toutefois l'effet contraire, selon d'autres études.

Risques de contagion

Par exemple, une récente étude a démontré qu'après la couverture intense des médias sur le suicide de l'acteur Robin Williams en 2014, il y a eu une hausse importante des suicides aux États-Unis.

Pourtant, lorsque Kurt Cobain s'est enlevé la vie en 1994, les médias avaient souligné les succès du chanteur de Nirvana et avaient déclaré que le suicide «était la mauvaise chose à faire». Ils avaient également fourni des informations sur des lignes téléphoniques d'aide pour les gens en situation de crise.

Après la mort de la grande vedette du grunge, les taux de suicide étaient demeurés stables, mais les lignes téléphoniques d'aide ne dérougissaient pas.

«L'idée principale est que tous les types de comportements sont contagieux, et l'adaptation et la résilience sont aussi contagieuses», a-t-il soutenu.

«En tant que spécialiste des troubles de l'humeur, une chose importante pour moi est que la grande majorité des gens qui pensent au suicide trouvent des pistes de résilience», a-t-il ajouté.

Kathy English, responsable des relations avec les lecteurs au «Toronto Star», a accueilli favorablement ces directives, car elle sait que le suicide est un sujet délicat, et selon elle, toute contribution que pourraient apporter les journalistes serait bienvenue.

«Notre politique sur le suicide est très simple depuis longtemps. Nous ne couvrons généralement pas les suicides, sauf si la nouvelle vaut la peine d'être publiée, et cela implique toujours une discussion avec l'éditeur», a-t-elle indiqué lundi.

Ce qu'il faut faire et ne pas faire

Les directives fournissent une liste d'éléments qui ne devraient pas être abordés par le journaliste - dont la méthode utilisée par la victime - et d'autres aspects qui, eux, devraient se trouver dans la nouvelle: les organismes où aller chercher de l'aide, les lignes téléphoniques d'assistance, ainsi que les ressources d'urgence dans les hôpitaux.

Tant les médias traditionnels que les médias sociaux devraient partager des liens vers des ressources d'urgence pour encourager les gens vulnérables à aller chercher de l'aide.

«Maintenant que tout est en ligne, les recommandations sont d'essayer d'inclure cette information dans tout article sur le sujet», a indiqué le docteur Sinyor.

Il y a eu plusieurs débats par le passé sur l'importance pour les journalistes qui parlent du suicide d'inclure ces données - il s'agit d'ailleurs d'une recommandation que fait l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis une dizaine d'années.

«Si les gens qui suivent de près les suicides croient qu'il y a un risque d'inspiration, ou que cela d'une façon ou d'une autre, puisse causer un traumatisme, alors nous devons avoir un espace pour dire: »Voilà où vous pouvez trouver de l'aide«. Je crois qu'il y a une valeur à faire cela», a soutenu Kathy English.

Les directives de l'Association des psychiatres du Canada sont une version actualisée d'une liste publiée en 2009. Cette nouvelle liste contient des recommandations pour les médias sociaux, qui ont gagné en influence dans les dernières années.

«Cela prend vraiment en compte le fait que bien que les journaux, la radio et la télévision aient encore des éditeurs et des gens responsables, les médias sociaux sont comme un train fou», a illustré le docteur David Goldbloom, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, qui n'était pas impliqué dans le développement des directives.

«Alors le fait de reconnaître qu'il y a des différences qualitatives entre ce qui arrive sur les médias sociaux, et ce qui arrive dans le journalisme traditionnel est aussi un pas important, parce qu'ils parlent des façons de collaborer avec les propriétaires des médias sociaux, Facebook et autres, pour tenter d'agir dans l'intérêt des gens.»

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Pour trouver de l'aide, vous pouvez joindre le Service canadien de prévention du suicide par téléphone, messagerie texte ou clavardage:

Numéro sans frais : 1-833-456-4566

Messagerie texte : 45645

Clavardage : www.crisisservicescanada.ca/fr/