Si vous croisez Dan Bilefsky, le nouveau correspondant du New York Times à Montréal, ne vous encombrez pas d'un controversé «Bonjour, Hi». Natif de Montréal, celui qui revient couvrir sa ville natale pour le quotidien new-yorkais après 30 ans de journalisme - entre autres en Bosnie, en Belgique, à Istanbul, à Prague et à Londres - est capable de livrer une interview dans un français impeccable.

Dans son tout premier texte dans le New York Times, paru mercredi dernier, Dan Bilefsky expliquait d'ailleurs à ses lecteurs américains le plus récent débat sur le bilinguisme, soulevé au magasin Adidas du centre-ville.

Cela annonce les couleurs de son mandat comme correspondant à Montréal. Dan Bilefsky en connaît d'ailleurs un chapitre sur les frictions linguistiques, après avoir séjourné à Paris et compris l'influence de l'Académie française.

«Nous vivons un siècle de nationalismes, qui se manifeste au Québec comme en Belgique, en Catalogne et dans les États-Unis de Trump», estime le journaliste. Dan Bilefsky affirme retrouver les mêmes tensions linguistiques et culturelles au Québec, 30 ans après avoir quitté la ville de Leonard Cohen pour poursuivre des études aux États-Unis.

Popularité planétaire de Justin Trudeau, intérêt grandissant du lectorat canadien pour le New York Times, bouillonnement culturel de Montréal... Toutes les raisons étaient bonnes, apparemment, pour faire renaître le poste de correspondant à Montréal.

«Le Times n'a pas eu de correspondant à Montréal depuis les années 40. Ce mandat est donc quelque chose de très émouvant pour moi.»

Le journaliste est enchanté de renouer avec le souvenir de son amour pour la poésie de Leonard Cohen, la vue du mont Royal à partir du boulevard Saint-Laurent, le Mile End de Mordecai Richler...

Dan Bilefsky semble avoir développé un flair pour les nouvelles qui rayonnent à échelle globale, à force de couvrir des zones de guerre, de prendre racine dans des métropoles et de raconter des histoires incroyables, comme celle des Bad Grandpas - un quatuor de cambrioleurs âgés qui a braqué une banque à Londres.

Sujets d'intérêt

Établi à Montréal mais mandaté pour couvrir tout le territoire canadien, il compte entre autres s'intéresser à la jeune génération techno représentée par Ubisoft et consorts, tenir à l'oeil sur l'évolution de groupes d'extrême droite comme La Meute, lever le voile sur le «côté sombre» du Canada, se pencher sur les questions autochtones post-«vérité et réconciliation» et retourner sur les traces de son arrière-grand-père. Ce dernier, un vendeur de fruits qui a immigré de Lettonie il y a un siècle, a vécu rue Rachel, en plein Plateau Mont-Royal.

Quelques heures après l'atterrissage de Dan Bilefsky dans sa ville natale, vendredi dernier, sa maman l'a surpris avec un délice incontournable: des bagels encore chauds. «Aucun doute possible: pour ce qui est des bagels, Montréal l'emporte sur New York!», confirme-t-il.

«Je suis très proche de ma famille, j'ai toujours de bons amis ici à Montréal, mais ma sensibilité reste très européenne», souligne Dan Bilefsky, qui estime que ses deux séjours comme correspondant en France lui donnent de bons outils pour comprendre le Québec.

Le correspondant, qui craint un peu la rudesse de l'hiver québécois, est déterminé à pratiquer le vélo «quatre saisons». «Ma mère n'est pas du tout contente de ça. Elle pense que je suis fou!» Inspiré par un tweet de notre collègue Patrick Lagacé, qui affichait la photo d'une glace toute fraîche, Dan Bilefsky espère aussi se joindre à une ligue de hockey (même s'il confie manquer un peu de d'entraînement).

«Il n'y a rien comme l'odeur de la glace après le passage de la Zamboni», lâche-t-il, dans un élan de nostalgie pour un plaisir d'enfance bientôt retrouvé.