L'éminent journaliste canado-américain de l'émission 60 Minutes, Morley Safer, qui avait été aux premières loges de la guerre américaine au Vietnam dans les années 1960, est décédé jeudi à l'âge de 84 ans, a annoncé le réseau CBS.

Kevin Tedesco, porte-parole du réseau de télévision américain, n'a pas précisé les causes de son décès à sa résidence de Manhattan, mais on savait que l'état de santé du journaliste se détériorait. Il avait regardé de chez lui, dimanche dernier, l'hommage d'une heure que lui a consacré l'émission 60 Minutes pour son départ à la retraite. Cette émission ne comportait d'ailleurs aucune entrevue récente avec lui.

Le journaliste a réalisé 919 reportages au cours de ses 46 années à l'émission-phare de CBS, dont il a été rapidement le coprésentateur, en alternance avec Mike Wallace. Le premier reportage de Morley Safer, en 1970, était consacré à la formation des agents de sécurité aériens aux États-Unis. Son 919e et ultime segment, un portrait de l'architecte danois Bjarke Ingels, avait été présenté en mars dernier.

Morley Safer a été le premier chef du bureau de Saïgon de CBS News et son reportage de 1965 sur les Marines américains brûlant le village vietnamien de Cam Ne, qui n'avait offert aucune résistance, a marqué un point tournant dans l'opinion publique face à la guerre dans laquelle les États-Unis étaient empêtrés.

Le président américain Lyndon Johnson a engueulé le président de CBS, et il a laissé entendre que le journaliste Safer avait des «accointances communistes» qui l'avaient poussé à mettre en scène ce reportage. Le journaliste a soutenu par la suite que le Pentagone l'avait traité avec mépris tout au long de sa carrière.

En 1970, après trois autres années à Londres, il est rappelé à New York pour être le coprésentateur d'une émission d'affaires publiques née trois ans auparavant et qui traînait de la patte dans les cotes d'écoute: 60 Minutes. Il y restera 46 ans.

Au cours de sa carrière de journaliste qui s'est étendue sur 61 ans, Morley, de sa voix riche mais éraillée, pouvait tout aussi habilement interviewer les célébrités que débusquer les coquins. L'un de ses reportages favoris a permis la libération d'un Américain condamné à la prison à perpétuité pour un vol à main armée de 50 $ qu'il n'avait pas commis.

Né à Toronto en 1931, M. Safer a d'abord travaillé pour divers médias au Canada puis pour l'agence Reuters à Londres. Correspondant de la CBC en Europe à compter de 1955, c'est lui qui a notamment relaté pour les Canadiens la construction du mur de Berlin en 1961. La salle de nouvelles de CBS l'embauchait en 1964 comme correspondant à Londres, puis il ouvrait l'année suivante le bureau du réseau américain à Saïgon.

Morley Safer a reçu le prix de journalisme Robert-F.-Kennedy pour son reportage de 2001 sur une école de l'Arizona qui accueille les enfants sans abri. Il a aussi reçu le prix de journalisme George-Foster-Peabody à trois reprises, et 12 prix de télévision Emmy.

«Morley a été l'un des journalistes les plus importants, tous médias confondus, a déclaré jeudi le président et chef de la direction de CBS, Leslie Moonves. Il a été un précurseur en termes de reportage de guerre et il s'est fait un nom qui sera toujours synonyme de 60 Minutes. C'était aussi un gentleman, un érudit et un grand conteur.»

«C'est un triste jour pour nous tous à 60 Minutes et CBS News, s'est souvenu Jeff Fager, producteur exécutif de 60 Minutes. Morley était un pilier, l'un de nos pionniers et une inspiration à plusieurs égards. C'était un conteur légendaire, un gentleman et un formidable ami.»

Son compère Mike Wallace, qui avait pris sa retraite en 2006 à l'âge de 88 ans, est décédé en 2012.