«Personne ne croyait que c'était une bonne idée.» Cette déclaration, c'est celle de Biz Stone, l'un des cofondateurs de Twitter, qui l'a prononcée à Montréal lors d'une conférence en février 2012. Était-elle prémonitoire?

À l'époque, l'entreprise célébrait son succès et des analystes s'inquiétaient que les utilisateurs passent trop de temps sur le site. Dès son premier anniversaire, en 2007, 5000 tweets étaient publiés chaque jour. En 2010, ce nombre grimpait à 50 millions, puis était multiplié par 10 seulement trois ans plus tard. (1)

Beaucoup de tweets ont depuis été publiés. Des mots-clics (hashtags) sont nés, puis disparus. Des légendaires tweets fights, impliquant parfois des trolls qui ne cherchent que la polémique, ont captivé notre attention. En 10 ans, une communauté de gazouilleurs s'est formée, développant son propre vocabulaire, ses propres codes.

Aujourd'hui, plusieurs vedettes sont inscrites sur le réseau social. Elles publient en moins de 140 caractères des nouvelles sur leur vie et leur carrière. Mais pour elles, expliquent des experts en relations publiques, le gain dépasse la capacité à s'exprimer quand ils en ont envie.

«Pour la première fois, les artistes ont la liberté de communiquer sans intermédiaire. Aujourd'hui, Twitter est devenu un incontournable», croit Junior Bombardier, attaché de presse chez Roy & Turner Communications.

Selon lui, les personnalités publiques ont plusieurs avantages à s'exprimer sur Twitter. Cela leur donne une nouvelle tribune pour avoir de la visibilité, mais aussi pour répondre à leur public aisément. Avant tout, précise-t-il, «il faut que ça soit spontané et naturel.»

Narimane Doumandji abonde. Selon l'attachée de presse, qui a fondé l'entreprise Communications Narimane en 2010, la sincérité est ce qui compte sur Twitter. «Le public veut sentir que les tweets sont écrits par les artistes eux-mêmes. Selon mon expérience, quand c'est une équipe web qui écrit à leur place, ça ne fonctionne pas. Les gens décrochent», explique-t-elle.

Le public au rendez-vous?

À en juger par le nombre d'abonnés qu'ont certaines vedettes (voir autre texte), le succès de Twitter semble indéniable. Pourtant, à l'aube de ses 10 ans, l'entreprise traverse une importante crise existentielle.

Lors de son entrée en Bourse, en novembre 2013, son titre était fixé à 26 $US. L'été dernier, pour la première fois de son histoire, il passait sous cette barre. Comment se fait-il que Twitter batte de l'aile? Au final, les oiseaux de malheur cités par Biz Stone («Personne ne croyait que c'était une bonne idée») avaient-ils vu juste?

Selon une analyse de l'Agence France-Presse, ces turbulences émanent en partie des difficultés qu'éprouve Twitter quand vient le temps d'élargir son bassin d'abonnés. Au Canada, selon un sondage effectué par Forum Research en 2015, le réseau social le plus utilisé du pays est Facebook (59 % des Canadiens ont un profil et consultent le site en moyenne neuf fois par semaine). Twitter n'arrive qu'en troisième place, derrière LinkedIn, qui rassemble 25 % des Canadiens qui ne le visitent que cinq fois par semaine.

Malgré cette portée plus limitée, constate Narimane Doumandji, les artistes y trouvent tout de même leur compte.

«Twitter est parfois bien efficace pour régler une situation urgente. Quand René Angélil est décédé, tout le monde voulait avoir une réaction de Ginette Reno, dont il fut [pendant quelques années] le gérant. Or, Ginette était sous le choc. [...] Le téléphone n'arrêtait pas de sonner, mais elle ne pouvait pas donner d'entrevues», raconte l'attachée de presse.

Pour régler le problème, elle a conseillé à sa cliente de publier un message sur ses comptes Twitter et Facebook. «Ça a stoppé l'hémorragie. Les journalistes pouvaient alors citer sa réaction, parce que c'était écrit et c'était public», explique-t-elle.

Entre-temps, il est difficile de prédire ce qui changera sur Twitter au cours des prochaines années. Des publications qui dépassent 140 caractères? La possibilité de corriger des tweets après leur publication? Ces rumeurs n'ont pas encore été confirmées pour l'instant.

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(1) Source: Financial Times