La quatrième saison de House of Cards arrive demain sur Netflix, en pleine campagne américaine. Hillary et Bill Clinton sont des fans, de même que Barack Obama, qui juge cependant que la vie à Washington est beaucoup plus ennuyeuse que ce qu'on voit dans cette série. Quant à Donald Trump, certains n'hésitent pas à le comparer au machiavélique Frank Underwood. Nous avons demandé à quatre de nos politiciens leurs impressions sur cette série qui ne montre certainement pas la politique sous son plus beau jour.

François Legault, député de L'Assomption, chef de la CAQ

«Je regarde House of Cards depuis le début et j'ai hâte de voir la quatrième saison. C'est certain que je trouve cette série très cynique, exagérée. Elle va parfois trop loin et n'a rien pour remonter la cote de confiance des électeurs envers la classe politique. En même temps, il y a une partie qui est attirante pour ceux qui suivent les jeux politiques. J'aime Kevin Spacey, mais surtout Robin Wright - je trouve qu'elle a du chien. C'est une bonne série, mais The West Wing est dix fois meilleure et beaucoup plus réaliste. [...] Les gens sont attirés par les jeux de coulisses. Ces jeux à l'intérieur même du parti, ça arrive beaucoup moins souvent [dans la réalité] que dans la série, mais ça arrive. J'ai été longtemps au PQ et c'est parfois plus difficile avec les collègues qu'avec les opposants.»

Frank Underwood ou Donald Trump? «C'est inquiétant, Donald Trump. Il semble n'y avoir rien à son épreuve. Il n'est pas là pour les bonnes raisons et on souhaite toujours que quelqu'un vienne le remettre à sa place. Peut-être son ex-femme! Ça vient confirmer qu'il y a un problème avec la politique aux États-Unis à cause de la polarisation entre les républicains et les démocrates. Un politicien comme Obama ne peut faire avancer ses politiques. On le vit un peu au Québec entre les libéraux et les péquistes avec la question constitutionnelle et en France avec la gauche et la droite. On aurait avantage à s'inspirer de l'Allemagne, où la chancelière arrive à faire avancer ses dossiers avec un gouvernement de coalition.»

Jean-François Lisée, député de Rosemont pour le PQ

«J'ai vu la série originale britannique dans les années 80, qui est vraiment excellente. Dans les deux versions, il y a un enseignement important sur la réalité politique. La Maison-Blanche, le Congrès et le Sénat américains, c'est très bien détaillé dans la version américaine. [...] Maintenant, il faut savoir que c'est de la fiction. Ce qui est intéressant dans la première saison - la meilleure à mon avis -, c'est que nous avons un politicien qui n'a pas le poste auquel il pensait avoir droit et qui décide d'imaginer une revanche qui le mène à la présidence. C'est un arc dramatique extrêmement fort et les mécanismes de la vengeance sont les mêmes dans les deux séries. À partir du moment où il devient président, ça se gâte un peu - mais je vais regarder la suite!

«La facilité avec laquelle Underwood utilise la jeune journaliste pour déstabiliser ses adversaires, j'ai trouvé ça instructif. Ça démontrait la fragilité des réputations et comment l'alliance entre un politicien sans scrupules et un journaliste qui veut des scoops peut avoir un impact réel. Le plus bel exemple de ça, c'est quand Bob Woodward avait des scoops à répétition sur la CIA: après la mort du directeur de la CIA, on s'est rendu compte que c'était lui, sa source. Il préférait lui donner des choses, même si c'était des secrets, plutôt que de ne pas contrôler le message.»

Frank Underwood ou Donald Trump? «Underwood est plus prévisible. Il a beau être corrompu, meurtrier, on a l'impression qu'il ne construirait pas un mur au Mexique, qu'il ne mettrait pas à la porte 12 millions de personnes et ne lancerait pas la bombe atomique en Syrie. J'aurais plus confiance en l'avenir de la planète avec Underwood qu'avec Trump. Vous pouvez me citer là-dessus!»

Marc Tanguay, député de LaFontaine pour le PLQ

«House of Cards, je pense que c'est la vie politique à la puissance 1000. C'est très caricatural, c'est extrême, mais, quand on regarde ça, on sent un plaisir coupable. [...] Je dirais que ce qu'il y a de plus vraisemblable dans cette série est le rythme effréné de la politique, l'intensité des horaires. Bon, c'est plus à échelle humaine ici, mais on ne sait jamais ce qui peut nous frapper quand on se lève le matin. L'autre élément accrocheur, avant même le premier épisode, c'est la bande-annonce. Le personnage a développé une relation avec la caméra; on connaît ses craintes, ses aspirations, ses stratégies. Avoir su exploiter cette proximité est brillant. La relation assez tordue entre Frank et Claire aussi. Ils se font dire souvent qu'ils n'ont pas d'enfants. Qu'est-ce que cette union-là a donné comme fruits? C'est leur avancement personnel et politique. Ils sont dans l'ambition pure, on dirait deux fauves capables de se consoler et de retourner au combat.»

Frank Underwood ou Donald Trump? «C'est assez surréel de voir ce qui se passe avec Donald Trump. Il s'écrira des mémoires de maîtrise sur ce vote-là. Il inquiète beaucoup de monde - en premier lieu les républicains - et ce qui explique la beauté de House of Cards, c'est que la politique à l'échelle de Washington est tout sauf ennuyeuse. La série a frappé dans le mille avec un tel sujet. Je pense que la politique américaine cette année, dans la vraie vie comme dans la série, va nous tenir en haleine jusqu'à la fin.»

Guillaume Lavoie, conseiller de la ville du district Marie-Victorin pour Projet Montréal

«Ça fait longtemps que je suis fan de House of Cards. J'ai vu la série britannique quand je vivais en Europe. Je me disais que c'était presque impossible d'adapter une série comme ça au contexte américain parce que le coeur de la série est construit sur le système parlementaire britannique. Mais l'adaptation est magnifiquement réussie. [...] La série américaine prend des libertés, maintenant qu'elle est dans ses propres paramètres. C'est une fiction que j'adore, mais si les gens pensent que ça se passe exactement comme ça... Je n'ai jamais balancé de journaliste dans le métro! Lorsqu'on aime la chose politique et encore plus la joute politique, les relations entre le Congrès et la Maison-Blanche, c'est extrêmement intéressant. Frank Underwood calcule tout, mais ce ne sont pas tous les politiciens qui sont comme lui. Ça prend un minimum de spontanéité et de convictions. Ce que j'aime beaucoup, c'est son interaction avec la caméra, qui fait de nous des complices privilégiés. C'est une merveilleuse migration de Kevin Spacey à partir du personnage original. Et Claire a beaucoup plus d'importance. Frank pourrait-il exister sans Claire? C'est une unité qui ne peut être subdivisée.»

Frank Underwood ou Donald Trump? «C'est comme si on me demandait si je préfère mourir abattu ou empoisonné... C'est le pire de tous les mondes qui se réalise chez les républicains et, un moment donné, les faits et la vérité devront reprendre leurs droits. House of Cards montre un côté très sombre et très cynique de la politique. Mais LA série pour voir ce que la politique a de plus beau, c'est The West Wing, qui est presque de l'ordre du documentaire historique.»