Le téléphone de la Société québécoise de la Trisomie-21 ne dérougit pas. Des parents d'enfants vivant avec le syndrome sont «profondément blessés et en colère» contre le chroniqueur à La soirée est (encore) jeune, Jean-Sébastien Girard, et le maire de Québec, Régis Labeaume, qui ont utilisé récemment le terme «mongol» à la radio.

Dimanche dernier, lors de sa chronique humoristique à l'émission d'ICI Radio-Canada Première, M. Girard a qualifié à la blague les citoyens de la capitale nationale de «mongols». Lundi et mardi, des animateurs de CHOI Radio X, à Québec, ont vivement réagi, invitant même Régis Labeaume à commenter l'affaire. Lors de son intervention, le maire a affirmé qu'il aurait répondu «mongol toi-même» au chroniqueur montréalais. 

Pour Sylvain Fortin, président de l'organisme qui représente les personnes vivant avec la trisomie-21, cette escalade verbale est inacceptable. «Jusque dans les années soixante, on identifiait les enfants vivant avec une trisomie-21 de mongols. Ce n'était pas une époque agréable pour ces familles. Les parents qui m'appellent sont fâchés de voir que Radio-Canada et le maire de Québec ne comprennent pas que leurs propos sont blessants», a-t-il dit en entrevue avec La Presse

Hier, la direction des communications de Radio-Canada affirmait que l'affaire était close, n'ayant d'ailleurs pas reçu de plaintes à ce sujet. «J'ai appelé Radio-Canada pour me plaindre, mais on m'a dit que le service des plaintes avait été coupé dans les plus récentes coupes. Ce n'est pas étonnant qu'ils n'aient pas reçu de plaintes», a répondu M. Fortin, visiblement irrité. 

Désormais, les auditeurs qui veulent se plaindre à la société d'État doivent écrire une lettre ou un courriel. C'est ce que la Société québécoise de la Trisomie-21 fera cet après-midi, demandant des excuses formelles à Radio-Canada et au maire de Québec. 

«Que la radio publique emploie ce terme sur ses ondes, c'est inacceptable. Mais que le maire de la capitale nationale, Régis Labeaume, appelé à commenter l'affaire, ne relève pas le ton du débat, alors qu'il pouvait le faire, c'est royalement rater son coup», a ajouté M. Fortin. 

En 2004, des personnes ont écrit sur le mur extérieur de l'organisme «maudits mongols». Depuis, la Société québécoise de la Trisomie-21 n'affiche plus son adresse sur l'internet ou dans les pages jaunes. 

«Vous voyez, c'est ce qui arrive quand on se traite de mongols de part et d'autre. On oublie les personnes qui sont visées et qui sont inévitablement blessées», a dit M. Fortin. 

Radio-Canada et Girard s'excusent

En fin d'après-midi, mercredi, la directrice générale d'ICI Radio-Canada Première, Patricia Pleszczynska, a envoyé une lettre d'excuses à la Société québécoise de la Trisomie-21.

«Nous sommes désolés que l'utilisation du terme «mongol» dans un sketch de l'émission La soirée est (encore) jeune ait pu faire remonter à la surface une époque où cette expression méprisante était associée dans le langage populaire aux personnes atteintes de Trisomie 21. Il va de soi qu'en aucun temps, Jean-Sébastien Girard, qui s'est d'ailleurs excusé et expliqué sur sa page Facebook, ne voulait porter ombrage à ces personnes et à leurs familles», a-t-elle écrit.

«Cela dit, cet incident et tout ce qui s'en est suivi nous rappellent l'impact potentiel de ce terme, même dans la bouche d'un personnage caricatural qui manie le stéréotype à outrance.  En aucun temps nous n'aurions voulu insulter ou moquer des personnes atteintes de Trisomie 21. C'est pourquoi nous nous excusons sincèrement pour le désagrément que cela a pu leur causer ainsi qu'à leurs familles. Vous pouvez être assurés que nous ferons preuve de vigilance à cet égard à l'avenir», a poursuivi la directrice.

Lundi, le chroniqueur de La soirée est (encore) jeune, Jean-Sébastien Girard s'était aussi excusé sur sa page Facebook.  

«Les propos que je tiens à cette émission humoristique, depuis maintenant trois ans, sont toujours remplis d'ironie, de sarcasme, de raillerie et de dérision. Le personnage que j'incarne joue avec les frontières et s'en prend à tout. [...] Je crois qu'en jouant sur les stéréotypes et les clichés, cela permet de montrer que ceux-ci reposent sur du vide. Et c'est dans cet esprit que j'ai fait ma blague sur Québec», a-t-il écrit.

«Il est clair qu'en aucun cas, je n'ai souhaité offusquer des auditeurs ni les citoyens de la ville de Québec. Si certaines personnes ont été offensées de mes propos, j'en suis sincèrement désolé. Jouer avec les frontières n'exclut pas que certaines ne doivent pas être transgressées. Le danger de l'irrévérence est qu'elle peut parfois dépasser l'intention originale, en particulier dans un contexte de direct», a-t-il ajouté.