Comment résumer 20 ans de Grandes Gueules? Un Club Med de la radio où les animateurs complices nous ont fait découvrir des dizaines de personnages, imités ou inventés, tous plus loufoques les uns que les autres.

Un mercredi après-midi gris et pluvieux. L'émission Grandes Gueules Turcotte est commencée depuis un moment.

José Gaudet amorce une imitation de Julien Poulin, personnage parmi des dizaines d'autres que lui et Mario Tessier caricaturent depuis des années.

Quand le duo quittera les ondes, vendredi à 18h, ce sera pour toujours. Il faudra alors dire adieu à Julien, Jocelyne, Ti-Rouge, Mme BoWasher, Demi Lévesque, Sonia et autres Robert meublant le retour à la maison de centaines de milliers d'auditeurs.

Mais d'ici là, fidèles à leurs habitudes, le tandem Gaudet-Tessier ainsi que l'animateur Richard Turcotte sont en feu. Ils lâchent leur fou, sont intarissables, parlent sans arrêt, se niaisent l'un l'autre, ne montrent jamais de signes de fatigue.

«Lorsque tu nous choisis, ce n'est pas pour nous écouter en arrière-plan», lance José. «Tu n'écoutes pas Les Grandes Gueules en te faisant faire un traitement de canal», ajoute Mario.

Avec eux, le retour à la maison se fait avant tout en rigolant. L'actualité, les nouvelles du sport, la météo restent en périphérie.

«On vend du bonheur, dit Mario. Nous nous sommes souvent dit que nous étions le Club Med de la radio. Avec notre show, on décroche, on s'amuse.»

Avec sérénité

Lorsqu'ils diront adieu à leur public, certains pleureront sans doute un peu. Mais, rencontrés dans les studios du boulevard René-Lévesque, le 22 avril dernier, les trois compères assurent être plus sereins que nostalgiques. Tous trois dans la mi-quarantaine, ils tiennent une forme splendide et ont des projets plein la tête.

«Je me sens très serein, dit José Gaudet. Je suis content du travail accompli. Pour l'instant, je n'ai pas ce côté nostalgique et triste que j'ai vécu aux 15 ans [Les Grandes Gueules avaient quitté les ondes une première fois en 2007].»

Son vieil ami Mario Tessier endosse: «Être drôle une journée, ça va. Mais l'être au quotidien, c'est autre chose. On n'a pas le temps de faire du surf sur le sketch qui a marché hier parce qu'il faut faire le prochain. Je vais m'ennuyer du micro, de la gang, des auditeurs. Mais je ne peux pas dire que je vais m'ennuyer de courir tous les jours pour écrire des blagues sans arrêt.»

Parce que, oui, Les Grandes Gueules travaillent fort pour maintenir leurs standards humoristiques jour après jour. Ils sont flanqués d'une équipe de scripteurs, mais retravaillent tous les textes jusqu'au moment de se les mettre en bouche.

«Toute la force de l'émission vient du fait que le travail en amont ne paraît pas en ondes, dit Mario. Tant mieux si ce que nous faisons a l'air facile, mais nous connaissons l'ampleur du travail derrière nos interventions.»

Complices

Tous deux ont fait connaissance à l'école secondaire Cavelier-De LaSalle où, sous le nom des Amuse-gueules, ils animaient des spectacles pendant la période du midi. Ils s'entraidaient à écrire leurs monologues jusqu'au jour où ils se sont dit qu'unir leurs forces pour faire des sketchs serait avantageux.

«Notre plus grande force est notre complicité», dit Mario.

«On peut s'appuyer là-dessus, enchaîne José. Tu pars quelque chose sans savoir comment ça va finir. Mais dans le pire des cas, ça va allumer l'autre.»

Ils font rire, mais ils font aussi du bien, en raison de la nature de leur émission. «Nous nous sommes toujours dit que notre mandat n'était pas d'entrer dans le créneau des nouvelles et des gros reportages, dit Richard Turcotte. D'autres le font très bien. Nous, on est là pour détendre ceux qui ont eu une grosse journée.»

Ils se font aussi un devoir de répondre aux courriels de leurs auditeurs. Le jour de notre passage, ils ont enregistré une courte séance d'encouragements sur vidéo pour une jeune auditrice sur le point de participer à une compétition. Du vrai service après-vente!

Ils savent aussi doser et mettre l'humour entre parenthèses lorsque l'actualité le commande. «Par exemple, nous n'avons pas fait d'humour le jour de la fusillade au parlement à Ottawa», dit Mario.

«Mais notre public nous a vite demandé de refaire des sketchs. On recommençait le lendemain», ajoute José.

Si l'émission radiophonique disparaît, Les Grandes Gueules se renouvelleront en personnages de bande dessinée pour la télévision. Gaudet, Tessier et Turcotte sont associés de très près à ce projet piloté par Oasis animation.

Et comme ils sont encore bien jeunes, ils laissent la porte ouverte à des retrouvailles.

«J'ai l'impression qu'on va se retrouver un jour pour un show et qu'on sera excités, prédit Richard Turcotte. C'était comme ça chaque année au retour des vacances d'été. En nous retrouvant le premier jour, c'était une explosion de bonheur et de petites joies. Si c'est le cas après des années de séparation, ce sera encore plus explosif!»