Plusieurs milliers de personnes se sont retrouvées dimanche à Paris pour un concert sous un ciel radieux après la pluie pour fêter les 30 ans de Reporters sans frontières (RSF) et la journée mondiale de la liberté de la presse, quatre mois après l'attentat sanglant contre Charlie Hebdo.

«Sans liberté de la presse, pas de contre-pouvoir» et «pas de liberté tout court», a proclamé Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF, rappelant que l'organisation avait depuis trois décennies défendu des dizaines de milliers de journalistes dans le monde.

Personnalités emblématiques de la défense des libertés et artistes français - Jeanne Cherhal, Arthur H, Sly Johnson, HollySiz et Cassius - doivent se relayer jusqu'à 23 h sur la scène installée place de la République, en plein coeur de Paris.

C'est de cette place qu'était parti le défilé monstre du 11 janvier en hommage aux victimes des attentats des 7, 8 et 9 janvier qui ont fait 17 morts au total.

«Nous entrons dans une nouvelle ère de la propagande, où l'information trafiquée, manipulée a plus de moyens que jamais», a regretté le secrétaire général de RSF.

Il a évoqué les nombreux professionnels tués dans l'exercice de leur fonction, citant les cas de la journaliste russe Anna Politkovskaia, de l'Américain James Foley, et des membres de Charlie Hebdo.

Il a ensuite donné la parole au Chinois Wu'er Kaixi, l'un des leaders du mouvement de Tiananmen à Pékin en 1989, en exil depuis 26 ans et qui a évoqué l'emprisonnement de sa compatriote Gao Yu, 70 ans.

«Cette initiative est intéressante. C'est l'occasion de s'informer et de montrer qu'on est là après les événements du début de l'année», a déclaré à l'AFP, une fonctionnaire de 33 ans, Mathilde Leygnac.

«La liberté de la presse me préoccupe. Un tel événement permet de mélanger les publics», a aussi souligné Romain Chabot, gestionnaire dans le secteur culturel qui avait participé à la marche du 11 janvier.

Exactions contre les journalistes

L'avocate iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003, et des journalistes français, dont d'ex-otages en Irak comme Florence Aubenas ou en Syrie comme Didier François s'exprimeront également. Tout comme la mère d'Austin Tice, un journaliste américain retenu en Syrie depuis trois ans.

Quelques membres de la rédaction de Charlie Hebdo, qui a survécu à la disparition de cinq de ses dessinateurs emblématiques (Charb, Cabu, Tignous, Honoré et Wolinski), sont attendus sur scène plus tard dans la soirée.

À l'occasion de cette journée mondiale de la liberté de presse, le ministère des Affaires étrangères a d'ailleurs rendu hommage dans une déclaration «à tous ceux qui la font vivre et en particulier aux journalistes de Charlie Hebdo, assassinés le 7 janvier».

RSF, créé à Montpellier en 1985, est une ONG présente aujourd'hui sur les cinq continents, disposant de bureaux dans douze villes du monde et d'un réseau de 150 correspondants qui traquent les abus et les violences envers les journalistes et organisent leur défense.

Chaque année, l'ONG publie un bilan des exactions commises contre les journalistes. Le dernier, publié en décembre dernier, faisait état pour 2014 de 66 professionnels tués dans l'exercice de leurs fonctions, dont deux décapités dans une mise en scène macabre.

Les deux tiers ont perdu la vie dans des zones de conflit (notamment Syrie, Irak, Gaza, Ukraine, Libye).

RSF a lancé la semaine dernière un «appel solennel» au Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il saisisse la Cour pénale internationale au sujet «des crimes de guerre contre les journalistes en Syrie et en Irak».

Selon le classement de RSF, la Syrie (177e place sur 180) et l'Irak (156e) sont parmi les pays les plus dangereux du monde pour les journalistes.