Fondé au lendemain de la Libération, Le Monde, qui fête jeudi ses 70 ans, veut accélérer sa mue vers le numérique, avec en ligne de mire une édition africaine sur internet, une offre destinée aux téléphones intelligents et la construction d'un nouveau siège pour toutes les rédactions du groupe.

Dans l'après-midi du lundi 18 décembre 1944, le premier numéro du Monde, daté du lendemain, paraissait: vendu 3 francs, il regroupait des articles imprimés serrés sur une seule page recto verso.

À l'occasion de cet anniversaire, l'influent quotidien du soir publie mercredi un supplément spécial intitulé «Toujours se réinventer» pour «partir à la découverte du Monde d'aujourd'hui et de demain».

Plutôt que de sombrer dans une célébration «passéiste», «on souhaite aider les équipes à se projeter vers la suite en restant fidèles aux valeurs de ce journal», explique à l'AFP Louis Dreyfus, président du directoire du Monde.

Le dessin du jour de Plantu montre un jeune homme réalisant un selfie imaginaire avec le fondateur du journal Hubert Beuve-Méry, décédé en 1989.

Outre le supplément anniversaire de mercredi, une série de manifestations ponctue depuis la rentrée les 70 ans du quotidien de la rue des Italiens: Le Monde Festival à l'Opéra Bastille et à Garnier, sortie du documentaire Les gens du Monde, publication d'un livre chez Flammarion.

Mais l'essentiel est ailleurs, selon Louis Dreyfus et Gilles Van Kote, le directeur du journal, qui va déployer plusieurs projets dans les mois et années à venir.

Du site consacré à l'Afrique à l'édition mobile du matin, en passant par la construction d'un nouveau siège, l'idée est de réinventer un groupe de presse issu de l'écrit dans la révolution numérique.

«Trouver des nouveaux publics»

«C'est à la fois très stimulant et très déstabilisant ces périodes-là», résume Gilles Van Kote, alors que la diffusion du journal papier, à 274 887 exemplaires quotidiens de moyenne en 2013-2014, est en baisse de 2,48% par rapport à 2012-2013. A contrario, le nombre d'abonnés numériques a augmenté de 20 000 en 2014 pour atteindre 140 000. Financièrement, le groupe (hors imprimerie) a un résultat opérationnel à l'équilibre, selon Louis Dreyfus.

Première étape le 6 janvier, avec la mise en ligne d'une édition africaine du site du Monde destinée «à trouver des nouveaux publics, à la fois en Afrique mais aussi parmi les diasporas africaines», selon Gilles Van Kote.

L'objectif de cette édition, freemium (mélange de services gratuits et payants) et réalisée avec une dizaine de personnes à Paris et une quinzaine de correspondants en Afrique, est de multiplier par trois ou quatre l'audience internet provenant du continent, actuellement cantonnée à 3 ou 4%.

Au printemps, c'est le projet «mobile matin», toujours en cours de finalisation, qui devrait voir le jour. Destiné à un public jeune et présent sur les téléphones intelligents, ce format également freemium, fera un point tôt le matin sur l'actualité de la nuit.

L'année 2015 devrait également voir Le Monde sortir du métier d'imprimeur avec la fermeture de l'imprimerie située à Ivry.

À l'horizon 2017, le futur siège du groupe Le Monde, dans le XIIIe arrondissement de Paris, doit permettre de faire travailler ensemble les 1400 collaborateurs des différentes publications: Le Monde, Télérama, L'Obs, Rue89, etc.

«Il s'agit de construire des passerelles entre les titres tout en maintenant l'identité forte des rédactions», résume Louis Dreyfus.

Quotidien de centre gauche, Le Monde a réformé cette année sa rédaction avec le transfert d'une trentaine de poste du papier principalement vers l'édition numérique, tout en maintenant constant l'effectif de ses 400 journalistes.

Le premier plan de mobilité interne prévoyait le transfert de 53 postes. Il avait déclenché une des plus graves crises du journal qui s'était soldé par la démission en septembre de la directrice, Natalie Nougayrède, et la nomination pour la remplacer de Gilles van Kote.

Le poste de Gilles Van Kote sera remis en jeu en début d'année, selon un calendrier qui sera fixé prochainement par les actionnaires.