Comment rapporter les détails d'un procès pour meurtre particulièrement horrible sans pour autant tomber dans le scabreux et le sensationnalisme?

C'est la question qui se pose pour des dizaines de journalistes chargés de couvrir le procès Magnotta qui a débuté lundi dernier au palais de justice de Montréal.

Dans la salle d'audience, il n'y a que cinq places réservées aux médias. Quatre sont occupées par des journalistes montréalais qui couvrent les affaires judiciaires sur une base régulière. Le cinquième siège est destiné à un journaliste de l'extérieur de la province ou de l'étranger. Les autres reporters suivent le procès en circuit fermé, dans une salle voisine.

Tout comme les membres du jury, ces journalistes sont exposés jour après jour aux détails scabreux entourant le meurtre de l'étudiant chinois Lin Jun. Leur tâche n'est pas toujours évidente.

«C'est simple, j'essaie de ne pas aller dans les détails, affirme Christiane Desjardins, journaliste aux affaires judiciaires à La Presse. «On s'entend que ce n'est pas une preuve "chic et de bon goût", c'est plutôt une preuve effrayante et dégueulasse, mais je ne suis pas obligée de tout décrire.»

Et lorsque Christiane Desjardins et l'équipe de La Presse sélectionnent des photos pour illustrer les textes, ils prennent soin de ne pas choisir les plus scabreuses, après, bien entendu, avoir tenu compte de l'ordonnance de non-publication qui, conformément à la demande des parents de Jun Lin, interdit la publication de photos du corps de la victime ainsi que des objets ayant pu contenir une ou des parties du cadavre.

Les mêmes questions se posent lorsqu'il s'agit de rapporter l'évolution du procès dans les réseaux sociaux. Plusieurs utilisateurs de Twitter ont critiqué les journalistes qui twittaient des détails trop descriptifs de la preuve. L'auteur Daniel Thibault, qui a signé entre autres les textes de la série Mirador, a même tenté de lancer un boycottage des journalistes qui couvrent le procès, en vain.

«Je fais très attention, assure Stéphane Giroux, journaliste aux affaires judiciaires pour le réseau CTV, qui a eu maille à partir avec M. Thibault sur Twitter. Je ne crois pas avoir dégoûté des gens avec la couverture du procès. Mon vocabulaire était plutôt sobre pour respecter les paramètres de CTV.»

En effet, comme bien des médias, CTV demande à ses reporters d'éviter les détails scabreux inutiles.

Et puis, les journalistes ont aussi leur vulnérabilité face à la violence et à l'horreur. «J'avoue que je suis une personne sensible, reconnaît Stéphane Giroux. Le procès Turcotte m'avait perturbé. Pour l'instant, ça va, mais j'ai eu des nausées quand j'ai vu certaines photos. Dans ces cas-là, j'essaie de faire le vide et de me concentrer sur mon travail.»

Même son de cloche de la part d'Isabelle Richer, journaliste aux affaires judiciaires à Radio-Canada et animatrice de l'émission Sous la loupe à RDI.

«Je me protège, je ne regarde pas toutes les photos. Je suis assez impressionnable. Je suis déjà sortie pendant un procès parce que les photos de la scène de crime qu'on présentait étaient vraiment horribles.»

Cela dit, le procès Magnotta n'est pas la pire chose qu'Isabelle Richer ait vue dans sa carrière.

«Entendons-nous, ce n'est pas l'horreur à longueur de jour, assure la journaliste. C'est horrible 15 minutes, puis ça passe. Il y aura une dizaine de photos particulièrement difficiles sur les centaines de photos qu'on nous présente.»

Comme ses collègues, Isabelle Richer prend bien garde de ne pas twitter les choses les plus macabres. «Mais, ajoute-t-elle, on s'entend que c'est un procès pour meurtre, pas une tapisserie avec des oiseaux...»

«Il y a quelque chose d'irréel dans toute cette affaire, estime quant à lui Allan Woods, reporter affecté à la couverture du procès pour le site web du Toronto Star. Des fois, j'ai l'impression qu'il ne s'agit pas d'une vraie personne. Il faut que je regarde les membres de sa famille pour me le rappeler.»

Allan Woods n'est pas très ébranlé par les détails glauques présentés dans la preuve. Il faut dire qu'en 2012, il a été le premier au Toronto Star à visionner la fameuse vidéo de Magnotta. «Je ne me sens pas touché outre mesure, affirme-t-il. Quand je twitte, ça va vite. Je suis en mode travail et je n'ai pas le temps de réfléchir à ce qui se dit.»

Rue Masson en «vrai»

Après cinq années d'existence virtuelle, le site d'information «hyperlocale» Ruemasson.com ance une version papier. À la une de ce premier numéro: l'écrivaine et chroniqueuse Geneviève Pettersen, alias Madame Chose, auteure du roman La déesse des mouches à feu, et son mari, l'écrivain Samuel Archibald, auteur entre autres d'Arvida. Le couple et leurs enfants habitent le quartier Rosemont et incarnent à merveille la transformation de ce quartier. Ce premier numéro, qui est consacré à l'embourgeoisement du quartier, est gratuit.

Compressions au New York Times

En abolissant 100 postes, c'est 7,5 % des 1330 employés de la salle de rédaction que le quotidien retranche. Il faut dire que le New York Times avait multiplié les embauches au cours des derniers mois afin de produire davantage de vidéos et d'alimenter le site web du journal. Du même coup, on se débarrasse de l'application Opinion qui regroupait les chroniques. Il semble que les lecteurs n'aient pas été au rendez-vous. Il ne s'agira pas de la seule mesure pour réduire les dépenses: les rubriques, les piges, etc., tout sera passé en revue.