Échanges corsés, prises de bec, opinions tranchées, spin politique... une partie de la campagne électorale s'est jouée dans la twittosphère. Même si la très grande majorité des Québécois ne fréquente pas Twitter, on y retrouve tout de même politiciens, journalistes et influenceurs. D'où l'importance pour les partis d'y être. Bilan d'un mois mouvementé.

La première chose qu'on retiendra de la campagne qui s'achève, c'est le ton et la virulence des échanges sur les réseaux sociaux. Les insultes et les attaques ont marqué le dernier mois et en ont sûrement incité plusieurs à délaisser Twitter et Facebook jusqu'au 8 avril.

«Sur Twitter, c'est la fanfare, lance Frédéric Verreault, vice-président et associé chez Tact Intelligence-conseil. Il y a tellement de bruit que personne ne se distingue. Le ton entre les équipes politiques est navrant et franchement triste. Ça nous rend nostalgiques de l'époque des grands discours.»Dans une campagne électorale, les réseaux sociaux devraient avant tout être utilisés pour aller chercher l'adhésion des membres et les dons financiers. À ce jour, la campagne d'Obama en 2008 demeure LE modèle à imiter. «Au Québec, on est en retard», note Thomas Daneau, spécialiste des médias sociaux à la firme Adviso.

Selon lui, c'est le Parti québécois qui s'est démarqué durant la campagne. «Leur site web est le mieux fait, le contenu est engageant, on y trouve des photos facilement partageables sur Twitter et Facebook. Et ils ont deux fois plus d'abonnés que Québec solidaire.»

«C'est le PQ qui compte le plus grand nombre de membres participant au financement populaire et c'est également lui qui a le plus grand nombre d'abonnés», ajoute Frédéric Verreault.

Où est PKP?

La présence des chefs est-elle obligatoire sur Twitter lorsqu'on sait que la plupart du temps, ce ne sont pas eux qui gèrent leur compte? Pensons seulement à Philippe Couillard et à Françoise David qui tweettaient alors qu'ils participaient au premier débat des chefs, un faux pas qui aurait pu leur coûter cher, selon Frédéric Verreault. «Sur les réseaux sociaux, les gens cherchent l'authenticité, observe-t-il. Or, c'était la preuve qu'ils ne géraient pas eux-mêmes leur compte. Les gens auraient pu se détourner, mais ils ne l'ont pas fait.»

En fait, M. Couillard est le chef qui a le plus progressé en matière d'abonnés Twitter. «Un gain de 45 %, note M. Verreault. Il faut dire qu'il partait de loin.»

Le PQ est le seul parti dont la chef n'est pas présente sur Twitter. «Ce n'est pas majeur, mais c'est bizarre, note Thomas Daneau. Sa présence aurait pu permettre au parti de rejoindre plus de monde.» Autre grand absent péquiste sur Twitter: Pierre Karl Péladeau. L'arrivée de l'homme d'affaires dans la campagne a fait grand bruit, mais il demeure invisible dans la twittosphère.

Les péquistes Jean-François Lisée, ministre sortant, et Stéphane Gobeil, rédacteur de discours pour le parti, méritent toutefois une mention spéciale, selon Frédéric Verreault. «Jean-François Lisée utilise Twitter de manière optimale, comme un levier pour inscrire son argumentaire politique, remarque-t-il. Quant à Stéphane Gobeil, il génère beaucoup de contenus originaux.»

François Legault demeure toutefois le chef le plus populaire sur Twitter. Le chef de la CAQ a vu son nombre d'abonnés augmenter de 8 %. «Ça peut sembler peu, mais il avait fait le plein de sympathisants avant la campagne», note Frédéric Verreault.

Thomas Daneau accorde pour sa part un bon point à Québec solidaire pour son site web qui invite les gens à écrire pourquoi ils voteront pour le parti, un contenu qui est ensuite partagé sur les réseaux sociaux. «C'est ce type de participation qu'on veut susciter lorsqu'on utilise les réseaux sociaux», souligne-t-il. Le nombre d'abonnés de la co-porte-parole de QS a quant à lui augmenté de 10 % durant la campagne. «Quand elle s'exprime, elle bénéficie toujours d'une belle réceptivité», ajoute Frédéric Verreault.

En vase clos

Les grands moments de la campagne sur les réseaux sociaux demeurent bien entendu les deux débats. «Ils ont eu cinq fois plus de résonance sur Twitter que n'importe quel autre événement de la campagne, note Terry Warin, chercheur au CIRANO. Les stratèges ont beau planifier le message de la journée, Twitter n'en fait qu'à sa tête.

«Pour le reste - l'identité, l'éducation, la famille - , ça varie beaucoup, précise M. Warin. J'ajouterais qu'il n'y a pas eu beaucoup d'intérêt pour l'économie.»

Cela dit, tout le monde demeure prudent quant aux conclusions qu'on peut tirer de ce qui s'observe sur Twitter. «C'est absurde d'accorder une quelconque représentativité à Twitter», observe Frédéric Verreault, un avis partagé par Thomas Daneau. «On ne peut pas faire de lien entre ce qui se passe sur Twitter et les intentions de vote, dit-il. Les réseaux sociaux demeurent toutefois une bonne façon pour les nouveaux partis comme QS et Option nationale de se faire connaître. Ça coûte moins cher qu'une publicité télé.»

Quel parti a fait parler de lui?

La firme Tact Intelligence-conseil a analysé 265 900 tweets pour savoir quel parti avait récolté le plus grand nombre de mentions.

PQ : 46 %

PLQ : 31 %

CAQ : 12 %

QS : 11 %

La «marque» PKP

L'arrivée dans la campagne de l'homme d'affaires Pierre Karl Péladeau a créé une véritable onde de choc qui a eu des répercussions jusque dans la twittosphère. Le mot-clic PKP a été mentionné 19 803 fois sur Twitter les 9 et 10 mars derniers, soit le jour de sa conférence de presse à Saint-Jérôme et le lendemain. À titre de comparaison, le nom du Dr Gaétan Barrette, candidat-vedette du Parti libéral du Québec, a été mentionné 3529 fois lors de l'annonce de sa candidature et le jour suivant, les 3 et 4 mars dernier. Le nom PKP est devenu l'équivalent d'une marque, selon le vice-président de la firme de relations publiques Tact Intelligence-conseil, Frédéric Verreault. Une marque qui aura eu 20 % plus d'écho que le nom du candidat-vedette du parti adverse.

Trois moments marquants de la campagne

1) Le jeune candidat caquiste dans Rimouski, Steven Fleurant, doit retirer plusieurs photos embarrassantes de sa page Facebook, dont une le montrant assis, nu, sur un siège de toilette.

2) Le candidat péquiste dans LaFontaine, Jean Carrière, se retire de la course après avoir publié des messages anti-islam sur sa page Facebook.

3) Quelques secondes avant un point de presse, le chef de la CAQ François Legault rabroue sa femme en lui lançant: «Ce n'est pas à toi qu'il parle...» Le chef et sa conjointe, Isabelle Brais, assurent qu'il s'agissait d'humour et que leur couple est reconnu pour ses taquineries. La vidéo est tout de même devenue virale.

Les mots les plus associés à la campagne sous le mot-clic #qc2014?

1. Couillard

2. Marois

3. Débat 2014

4. Legault

5. Charte

6. PKP

7. Référendum

Source : Tact Intelligence-conseil