L'automne dernier, la légendaire station de radio montréalaise CHOM a obtenu les meilleures cotes d'écoute de son histoire. Le fruit d'un virage entrepris par le nouveau directeur musical surnommé Picard, un Américain aux origines québécoises qui a fait les beaux jours de la station Buzz et qui a rebranché CHOM sur la scène locale montréalaise.

Le rock n'est pas mort sur les ondes commerciales. Il est même bien vivant grâce au nouveau virage musical de CHOM, qui fait jouer The National, Tame Impala et Queens of the Stone Age entre deux classiques de Led Zeppelin et Heart. Le 97,7 FM met aussi en valeur beaucoup de groupes montréalais, dont Half Moon Run, We Are Wolves, The Besnard Lakes et Arcade Fire.

Autant des vedettes s'emparent des micros des stations francophones du Québec, autant CHOM engage de «vrais animateurs de métier» qui sont libres de consacrer une émission de deux heures au new wave ou de faire jouer un vinyle dans son intégralité.

En 2014, qui l'aurait cru? Surtout que la formule est gagnante: le 97,7 FM a obtenu les meilleures parts de marché de son histoire l'automne dernier. Dans son groupe cible - les hommes de 25 à 54 ans -, il obtient même 36% des parts du marché anglophone. De plus, 60% de son auditoire est bilingue.

L'un des responsables de la nouvelle image de CHOM est son directeur musical Picard, en poste depuis trois ans. Un homme sans prénom et sans âge. «Nameless et ageless», dit-il.

Dépoussiérer la station

Picard est né dans le Massachusetts. Ses origines québécoises le prédestinaient peut-être à faire carrière à Montréal, mais tout a commencé pour lui à Boston à la fin des années 70. Passionné de la scène musicale de Manchester, Picard a fondé l'une des premières stations américaines de radio alternative, WFNX. «Bien avant le grunge», précise-t-il en citant des groupes comme Joy Division et The Cars.

Après un bref passage à Hartford, Picard a obtenu le poste de directeur musical d'une nouvelle station de Burlington, The Buzz, qui allait faire vibrer toute une jeune génération de mélomanes grunge.

Vu la force de son antenne et sa popularité au-delà de la frontière américaine, le 99,9 FM avait un bureau des ventes publicitaires à Montréal, et exploitait même le bar Buzz Club sur le boulevard Crémazie. «Je venais à Montréal tous les week-ends», raconte Picard.

Quelques années plus tard, Picard eu un poste à l'ancienne antenne sportive montréalaise The Team 990, puis il a fait le saut à CHOM avec le mandat de dépoussiérer la station. «Il fallait retirer de la programmation de vieilles roues comme Bad Company, April Wine et Edgar Winter, dont les moins de 60 ans n'ont rien à foutre», raconte-t-il.

Picard a procédé par étapes. D'abord en ajoutant le catalogue nineties de Nirvana, Pearl Jam, Stone Temple Pilots, Radiohead et Red Hot Chili Peppers. Ensuite en rebranchant CHOM sur la scène locale montréalaise et la musique indie canadienne.

«Je pense que Montréal est toujours la capitale musicale du monde», dit Picard qui n'a pas dénaturé la station pour autant. Oui, CHOM fait toujours jouer Hotel California, Barracuda et Stairway to Heaven. Mais de jeunes groupes à succès comme The Lumineers ou Imagine Dragons? «Non, trop pop.»

Branchée sur Montréal

En novembre dernier, CHOM a invité les artistes montréalais The Damn Truth, Cafeïne, Life in Winter et We Are Wolves à son émission (à thématique ouverte) Full Moon Ever. Il a aussi organisé des Shows to Go avec Cafeïne, Solids et AroarA, notamment, qu'on peut revoir sur YouTube.

Le dimanche soir, Jay Walker anime l'excellente émission Montreal Rocks. Il est précédé de Randy Renaud qui fait jouer un disque vinyle dans son intégralité. Incroyable, mais vrai.

«Tous nos animateurs sont des passionnés de musique. Des gars comme Tootall et Randy Renaud sont des encyclopédies, alors que Jason Rockman est dans un band (Slaves on Dope)», souligne Picard.

«Nous sommes revenus à l'esprit expérimental de CHOM», renchérit le directeur de marque, André Lallier.

Le directeur de marque tient aussi à ce que CHOM incarne la culture de Montréal avec des animateurs (dont «monsieur Montréal» Terry DiMonte) qui lancent des mots en français. «Je voulais ramener le côté francophone-friendly

CHOM, dont le fondateur Geoff Stirling s'est éteint en décembre dernier, remet surtout en valeur le métier d'animateur radio. «C'est plus facile avec le format rock de la station», dit Picard. N'empêche, ce dernier tient une émission de quatre heures le samedi soir, perpétuant la tradition du directeur musical qui prend d'assaut les ondes.

Le virage musical de CHOM fonctionne à merveille. Les cotes d'écoute ont bondi depuis trois ans. «Pour une station de format rock, nous avons les meilleures parts de marché en Amérique du Nord», souligne Picard.

Et dans le marché très concurrentiel de la radio, on ne change pas une formule gagnante. On la perpétue.