Alors que Montréal s 'apprête à revêtir, pour 10 jours, ses habits de lumière jazz, le site espace.mu de Radio-Canada vient de mettre en ligne un vibrant documentaire sur l'époque où la ville, un de ses quartiers à tout le moins, était «jazz à l'année».

En 14 vignettes vidéo de quatre minutes, Jazz Petite-Bourgogne - La vie en musique d'un quartier populaire ramène à la mémoire les grands noms de musiciens et de lieux qui, à partir des années 20, ont fait de Montréal «le Harlem du Nord».

«Les gars montaient de New York pour s'établir ici parce qu'ils pouvaient gagner leur vie et vivre normalement », nous expliquera le batteur Norm Marshall Villeneuve en pointant du doigt les «cats» avec qui il jouait dans le temps au Café St-Michel ou dans un autre club de la rue Saint-Antoine.

En même temps que sa mise en ligne, Jazz Petite-Bourgogne inaugurait mercredi au centre culturel Georges-Vanier une exposition de photographies évoquant la grande époque du premier quartier noir de Montréal.

Fils du quartier

Le plus connu des fils de la Petite-Bourgogne est bien sûr le pianiste Oscar Peterson (1925-2007), fils d'un porteur de bagages, comme beaucoup de ses voisins.

Porteurs et stewards de train s'étaient établis dans ce faubourg du Sud-Ouest à cause de sa proximité des deux grandes «stations» montréalaises, la gare Centrale et la gare Windsor, juste en haut de la côte.

Les témoignages du documentaire sont clairs: Peterson qui, sans le renier, n'est jamais beaucoup revenu au berceau après avoir déménagé à Toronto dans les années 60, est loin d'être le seul grand musicien du quartier. Le guitariste Nelson Symonds (1933-2008), un Noir de la Nouvelle Écosse, a refusé des offres des plus prestigieux orchestres américains parce qu'il ne se croyait «pas prêt». Dans une vignette du webdocumentaire (espace.mu/projet/jazz-petite-bourgogne), le grand de la guitare jazz Wes Montgomery explique pourtant que Symonds, qui a longtemps dirigé le house band du Black Bottom, était non seulement un grand technicien, mais le guitariste «le plus innovant de tous».

Jazz Petite-Bourgogne fait encore défiler Louis Metcalfe, ancien trompettiste de Duke Ellington qui a initié Montréal et ses musiciens au be-bop, les frères Sealy, Willy Girard, un des grands du violon jazz, et cet autre fils de la Petite-Bourgogne qui en est venu à incarner le jazz montréalais: Oliver Jones. «J'ai commencé à jouer dans les clubs autour d'ici à 9 ans, nous dira le pianiste. J'ai connu tous ces musiciens qui faisaient de Montréal une grande ville de jazz.»

Application iPhone

JBP, c 'est aussi une application iPhone gratuite Jazz Petite-Bourgogne avec quatre itinéraires dans l'histoire musicale et sociale du quartier où l'on procède par ailleurs à l'installation de pianos dans différents parcs (le parc Sainte-Cunégonde, rue Notre-Dame, a déjà le sien).

Le livre numérique Jazz Petite-Bourgogne, finalement, sera mis en vente sur iTunes le 3 juillet avec ses centaines d'artéfacts jazz du siècle passé.

Peu de lieux de la grande époque subsistent, mais le quartier a sa rue Rufus-Rockhead (à l'est du marché Atwater), du nom de l'ancien tenancier du Rockhead's Paradise, et sa murale Oscar Peterson.

Sauf erreur toutefois, les seuls musiciens de jazz qui habitent aujourd'hui la Petite-Bourgogne sont les saxophonistes (et compagnons de vie) Joel Miller et Christine Jensen, mais le quartier reprend vie à bien des égards. Vie et espoir...

«Jazz Petite-Bourgogne, dira Katarina Soukup de Catbird Productions, est une lettre d'amour au jazz, à la communauté noire, à la Petite-Bourgogne et à Montréal». Une ville qui a grand besoin d'amour par les temps qui courent...