Quand le magazine Urbania est apparu dans le paysage médiatique, en 2003, l'hebdomadaire Voir était encore la référence culturelle à Montréal, et le fanzine P45, lancé trois ans plus tôt, se taillait tranquillement une place dans l'univers des publications alternatives avec son ton incisif et irrévérencieux.

En s'installant sur le boulevard Saint-Laurent, la petite bande d'Urbania avait décidé de rompre avec l'esprit «Plateau» et de miser plutôt sur le côté cosmopolite de la Main. Durant la traditionnelle braderie du boulevard Saint-Laurent, ils installaient même une petite table pour vendre leurs exemplaires aux passants.

Dès le premier numéro, Urbania a misé beaucoup sur le look. Normal, les créateurs de la publication sont des «visuels»: Vianney Tremblay (qui a quitté le navire depuis) et Philippe Lamarre sont tous deux diplômés de l'École de design de l'UQAM, et leur agence, TOXA, se spécialise dans la conception d'emballages et de sites web.

Chez Urbania, la une doit frapper fort. Les concepts aussi. Chaque numéro a un thème et le ton du magazine est provocateur. Souvenez-vous: le numéro consacré au vice avec, à la une, un énorme phallus. Inutile de dire que le magazine ne passait pas inaperçu dans les rayons des maisons de la presse.

Puis il y a eu la première page mettant en vedette l'aisselle du maire Gérald Tremblay, suivie de numéros consacrés aux gros, aux lesbiennes, aux roux... Toujours ce regard original, humoristique et un peu tordu sur les gens et les événements.

Urbania a toujours aimé décoiffer, mais comme tout le monde, il s'est assagi avec l'âge. Et il s'est bâti une réputation qui lui a permis de jouer dans la cour des grands, avec les grands.

Qu'on pense à Rouge au carré, réalisé en collaboration avec l'Office national du film durant le printemps érable, à l'émission de radio diffusée sur les ondes de Radio-Canada ou encore à la série Montréal en 12 lieux présentée sur TV5. Pas de doute, les institutions aiment bien se coller au côté cool, jeune et branché de la marque Urbania.

Sur le plan journalistique, Urbania est un OVNI. Le ton est complètement libre et éclaté, on n'est pas là pour faire de la nouvelle, mais bien pour raconter des histoires. Le magazine n'a jamais misé sur ses signatures, on ne «vend» pas des journalistes ou des chroniqueurs-vedettes. Certaines plumes, surtout des filles, se sont toutefois démarquées au fil des ans, qu'on pense à Émilie Dubreuil, Catherine Perrault-Lessard (aujourd'hui rédactrice en chef) et, plus récemment, Judith Lussier et Aurélie Lanctôt. Des gars aussi - Steve Proulx, Pascal Henrard, MC Gilles et ses 2 steamés - ont donné une couleur unique à la publication.

À sa façon bien particulière, Urbania aura été une école. Pas surprenant, donc, que le magazine en crée une vraie. Depuis l'an dernier, l'école Urbania accueille 10 finissants de l'UQAM. La première mouture a repensé l'école avec un grand E, la deuxième planchera sur des idées pour Montréal en vue des élections municipales.

Malgré seulement quatre parutions par année, Urbania demeure tout de même très présent à Montréal, en partie grâce à son site web. Dans un contexte où la version papier des publications culturelles en arrache - le Mirror a disparu, Voir ne publiera plus que deux fois par mois et Nightlife est 100% web depuis plus d'un an -, le magazine qui loge aujourd'hui dans le quartier de la fourrure s'apprête à lancer une application iPad.

Le papier n'est peut-être pas l'avenir, mais cela n'empêche pas Urbania d'avoir de belles années, et de grands projets, devant lui.