C'est le phénomène des réseaux sociaux qui fait parler de lui depuis plusieurs semaines. Au début, «Spotted on Campus» était plutôt sympathique: une page Facebook sur laquelle les élèves d'une école pouvaient déclarer leurs sentiments à un camarade de façon anonyme. Ça donnait des commentaires de ce genre: «À la belle rousse assise au fond de la bibliothèque hier, j'étais trop timide pour te parler, mais j'aimerais bien faire ta connaissance.»

Le concept, qui serait né dans les collèges britanniques, s'est répandu comme une traînée de poudre dans la plupart des pays d'Europe. En France, les médias ont décrit Spotted comme la «nouvelle messagerie amoureuse», une «nouvelle tendance pour déclarer votre flamme».

Au cours des derniers mois, le phénomène a traversé l'Atlantique. Aujourd'hui, presque tous les cégeps - Maisonneuve, Édouard-Monpetit, Brébeuf, etc. - ainsi que plusieurs écoles secondaires du Québec ont créé leur page Spotted. On peut trouver ces pages sur Facebook (il y a même une page Spotted STM). Cela dit, les commentaires ne volent pas toujours très haut et sont bourrés de fautes d'orthographe (même à Brébeuf!).

Dans certains cas, surtout dans les écoles secondaires, le flirt a cédé la place à l'intimidation. Commentaires vulgaires et déplacés à propos de camarades de classe ou d'enseignants, insultes, méchancetés: la page Spotted est devenue le paravent pour se dire des horreurs.

Rien de très surprenant. L'automne dernier, dans le cadre de la semaine de la sensibilisation à l'intimidation, l'organisme Jeunesse, j'écoute a dévoilé les résultats d'un sondage réalisé auprès de jeunes l'année précédente. Dans ce sondage, 87% des répondants ont avoué avoir été témoins d'actes d'intimidation à l'école et 65% des jeunes ont affirmé avoir été victimes de cyberintimidation. L'organisme notait en outre une progression de l'intimidation par l'entremise des réseaux sociaux. Les pages Spotted ne sont donc qu'un véhicule de plus.

Au cours des dernières semaines, certaines directions d'établissement ont tenté d'interdire la page Spotted de leur école, mais c'est loin d'être évident. Facebook peut aider les intéressés à identifier l'administrateur anonyme si on lui en fait la demande, mais rien n'empêche la création d'une nouvelle page le lendemain. C'est un peu comme essayer de remettre le dentifrice dans le tube.

On peut blâmer les réseaux sociaux et l'anonymat qu'ils garantissent aux intimidateurs, mais le problème fondamental n'est pas là. Il se trouve davantage dans l'agressivité au coeur des relations entre adolescents - une agressivité que les campagnes publiques ne réussissent pas à juguler.

On dirait que les différents ministères et organismes travaillant auprès des jeunes sont incapables de trouver le ton juste pour s'adresser à eux. La génération qui se trouve actuellement à l'école a été bombardée de messages publicitaires depuis son plus jeune âge. Elle en connaît les ficelles et déteste qu'on lui parle sur un ton moralisateur ou pédagogique. Comme un organisme humain qui ne réagit plus aux antibiotiques, les jeunes d'aujourd'hui sont résistants aux campagnes de sensibilisation.

Quand une école organise une journée thématique, combien d'élèves lèvent les yeux au ciel en se disant: «Bon, on va encore me faire la leçon»? Dans le cas de l'intimidation, seuls des événements dramatiques comme une fugue ou un suicide semblent en mesure de toucher les jeunes, de les faire réfléchir. Les directions d'école peuvent bien se battre contre des moulins à vent en tentant d'empêcher la diffusion des pages Spotted, un autre phénomène de réseaux sociaux viendra les remplacer sous peu. Le problème est ailleurs, du côté des relations humaines et du respect d'autrui.

#onaime

La nouvelle version de l'application Flipboard qui permet de créer son propre magazine sur iPhone, iPad ou Android (le mois prochain) à partir d'une multitude de sources (The Guardian, Vanity Fair, Pitchfork, BuzzFeed, etc.).

#onaimemoins

Dès le 15 avril, il sera interdit de twitter en direct des tribunaux du Québec (rassurez-vous, la commission Charbonneau n'est pas un tribunal). En Ontario, c'est un peu mieux: la Cour supérieure a statué que seuls les journalistes et les avocats avaient le droit de twitter dans un tribunal. Incompréhensible.