On peut dire que le conclave a sérieusement perturbé le plan de match des médias, hier après-midi. C'était la surprise totale chez les journalistes et les commentateurs qui couvraient l'événement lorsque le nom du nouveau pape, Jorge Mario Bergoglio, a été annoncé par le cardinal français Jean-Louis Tauran. «Je n'avais pas son nom sur les 25 fiches que j'avais préparées», a avoué Louis Rousseau, professeur au département de sciences des religions à l'Université du Québec à Montréal, sur les ondes de la Première Chaîne. «Personne ne le voyait venir», a renchéri l'animateur Michel C. Auger, qui rappelait que la presse italienne ne l'avait pas mentionné parmi les papabili. À CNN comme à Radio-Canada, dans le New York Times ou Le Monde, le mot «surprise» revenait invariablement.

La fameuse fumée blanche est apparue vers 14h09, heure de l'Est, et pendant environ une heure, les caméras du monde entier nous ont montré la même image: un gros plan sur les rideaux de velours rouge du balcon du Vatican et la foule réunie sur la place Saint-Pierre. Une heure, c'est long. Et ce n'est pas hier qu'on a réinventé la roue: on a rempli le temps d'antenne avec les traditionnels vox-pop donnant la parole à des fidèles et des touristes qui n'avaient pas grand-chose à dire. Pas de surprise là. En fait, il ne se passait tellement rien en attendant le pape que la vedette de l'après-midi aura été la mouette qui avait élu domicile sur la cheminée de la chapelle Sixtine. À la fin de la journée, cette mouette avait deux comptes Twitter, dont un en anglais (@SistineSeagull) qui comptait déjà plus de 7800 abonnés.

Autour de 15h15, on a enfin vu la lumière s'allumer et le rideau bouger. Frisson d'anticipation qu'on a même ressenti à la radio, où on nous décrivait les images de la télévision. Tout le monde a retenu son souffle jusqu'aux premiers mots du cardinal Tauran, qui s'est adressé à la foule en latin, comme le veut l'usage. Certains médias, comme Radio-Canada, étaient fin prêts et avaient un interprète à portée de la main. On sentait par contre CNN loin, très loin de sa zone de confort. Il y avait même une erreur dans le sous-titre «Habemus Papam» qu'on avait réécrit «Habemus Papem». La couverture médiatique nous a tout de même réservé une petite surprise: la participation de Jean-Luc Mongrain sur les ondes du 98,5 FM à l'émission de Paul Houde. L'animateur avait remis sa casquette de diplômé en théologie pour commenter avec beaucoup d'à propos l'élection de ce nouveau pape argentin.

Comme d'habitude lors de ces événements rassembleurs, c'est toutefois sur le web et sur Twitter qu'on pouvait observer le plus de créativité. Depuis quelques jours déjà, plusieurs sites «de surveillance» étaient apparus, comme dowehaveanewpope.com, istherewhitesmoke.com et popealarm.com.

Entre 14h15 et 15h30 environ, que ce soit à Montréal, ailleurs au Canada ou dans le monde, les mots «pape», «conclave» et «habemus papam» étaient tous au sommet des tendances Twitter. En attendant l'annonce, les gens, déchaînés, y allaient de blagues et de mots d'esprit. Mais le ton a changé une fois l'identité du nouveau pape connue, et l'humour a cédé la place aux révélations de toutes sortes. En quelques minutes, on a donc été inondé d'informations sur le nouveau pape: il vit simplement, n'a qu'un poumon, prenait le bus pour se déplacer... Ceux qui espéraient naïvement un pape plus moderne ont découvert rapidement son intransigeance, ses déclarations antimariage gai et ses positions orthodoxes. C'est la force des réseaux sociaux de rendre disponible une quantité impressionnante d'informations presque instantanément. Reste ensuite à faire le tri.