Le magazine littéraire Entre les lignes n'est plus. Fondée en 2004 et dirigée avec passion par Colette Lens, la revue aura connu une ultime édition avec son numéro Hiver 2013, lancé lors du dernier Salon du livre de Montréal. Et, à moins d'un miracle, elle ne renaîtra pas de ses cendres.

C'est un ensemble de facteurs qui a conduit la rédaction à mettre la clé sous la porte de ses bureaux, rue Masson: «Ça allait relativement bien pour ce qui est des abonnements et de la vente de la revue en kiosque, même si c'était des chiffres modestes, explique Mme Lens. Mais le marché est minuscule. Il nous était de plus en plus difficile d'obtenir de la publicité, le domaine du livre étant très fragilisé. En plus, avec la nécessité de penser numérique, de concevoir des capsules vidéo, etc., le travail d'édition a augmenté et s'est complexifié au fil des ans. Nous étions en déficit. Quand les subventions se sont mises à fondre, nous n'avons plus eu le choix.»

À sa création, Entre les lignes pouvait bénéficier du programme d'Aide aux magazines artistiques et littéraires (AMAL) de Patrimoine canadien, conçu pour les revues spécialisées à petit tirage, et qui a été aboli depuis. Le programme Fonds du Canada pour les périodiques qui l'a remplacé soutient, lui, les revues en fonction du nombre d'exemplaires vendus. «Et nous parvenions tout de même à être tout juste au-dessus du seuil nécessaire pour avoir droit à une aide, explique Mme Lens, mais nous avons appris que les sommes ne seraient plus les mêmes...» Le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) ne pouvait pas non plus augmenter son aide.

Difficile de passer le flambeau

Or, Mme Lens souhaitait passer le flambeau à d'autres, après 10 ans de travail acharné. Le manque d'argent ne permettait pas de dégager un salaire pour un poste d'éditeur-rédacteur à temps plein, nécessaire pour mener à bien la publication d'une revue. «C'est un travail passionnant, mais extrêmement exigeant, je ne peux pas l'offrir à quelqu'un dans ces conditions, et il n'y aurait d'ailleurs personne pour postuler un tel emploi, avec une telle responsabilité et un salaire quasi inexistant...»

La rédaction d'Entre les lignes n'a pas tout de suite baissé les bras: elle a approché divers organismes, mené des rencontres de remue-méninges... Mais la dette de l'organisme a fini par l'emporter. «Faute de liquidités suffisantes, il n'y avait plus d'autre solution que de cesser nos activités. Mon rêve, c'était qu'Entre les lignes survive à mon départ. Ma très grande tristesse, c'est qu'il n'y aura plus de magazine ni de relève. Entre les lignes était surtout une communauté d'amoureux du livre, et j'ai pu compter sur de fidèles et formidables collaborateurs de haut calibre comme Marie-Claude Fortin, Marie-Ève Sévigny, Pascale Navarro et tant d'autres. Tout ce que j'espère, c'est que la fin d'Entre les lignes attire l'attention sur les autres entreprises culturelles, aux prises avec les mêmes difficultés, et qu'on les aide à survivre