Quand l'ex-roi du vélo rencontre la reine de l'entrevue, ça ne peut qu'être un événement médiatique. Pour la première fois, la semaine dernière, Lance Armstrong a avoué publiquement s'être dopé. Durant trois heures, il a répondu, parfois péniblement, aux questions d'Oprah Winfrey, très bien préparée pour la rencontre que plusieurs de ses collègues intervieweurs (Barbara Walters entre autres) ont dû lui envier.

A-t-il tout dit? Bien sûr que non. Lance Armstrong a esquivé plusieurs questions. Et, tout au long de cette entrevue fleuve de deux heures trente, il n'a jamais essayé de se montrer sous son meilleur jour, comme c'est souvent le cas dans ces confessions qui visent à réhabiliter publiquement une personnalité déchue.

Pas de boîte de mouchoirs, donc, ni de larmes durant cette rencontre historique. Bien sûr, Armstrong a paru ému lorsqu'il a parlé de ses enfants et de sa mère, mais qui ne le serait pas?

Pour le reste, les silences de Lance Armstrong ont été tout aussi éloquents que ses réponses. L'un des aspects les plus intéressants de cette entrevue est justement l'absence totale de complaisance de l'animatrice, dont les questions ont montré à la face du monde à quel point ce champion déchu est un être abrasif complètement déconnecté de ses émotions.

Les amateurs d'émission d'information «sérieuses» telles que 60 minutes ou Charlie Rose ont souvent regardé Oprah de haut parce qu'elle animait des émissions quotidiennes de jour, destinées surtout aux femmes au foyer. On l'a ridiculisée pour son style très émotif, ses régimes amaigrissants, etc. Jeudi et vendredi, elle a montré à quel point elle était une grande intervieweuse doublée d'une pédagogue qui a le souci d'expliquer les choses à son public. Les téléspectateurs qui n'avaient pas suivi tous les méandres du feuilleton Armstrong pouvaient s'y retrouver grâce à des segments explicatifs insérés dans l'entrevue. Mme Winfrey et son équipe avaient fait leurs devoirs.

Bien sûr, les amateurs de cyclisme sont déçus. Ils auraient aimé en apprendre plus sur les détails de l'opération dopage. Ils confondent entrevue médiatique et commission d'enquête. Ce n'était pas à Oprah Winfrey de faire ce travail. Son émission s'adresse au grand public, pas aux maniaques de vélo qui ont lu tous les livres et articles de journaux sur le dopage sportif et qui se réveillent la nuit pour haïr Armstrong. Trop de détails techniques auraient fait fuir une partie de l'auditoire. L'animatrice était là pour défricher le terrain, ce qu'elle a fait admirablement.

Quant à son mot de la fin, il montrait bien à quel point elle n'était pas dupe des non-dits d'Armstrong. «Truth will set you free.» «La vérité vous libérera», a-t-elle conclu devant cet homme qui, visiblement, n'a pas encore ressenti au fond de son être tout le mal qu'il a causé autour de lui.

Est-ce que Lance Armstrong aidera Oprah Winfrey à mettre sa chaîne câblée OWN, lancée il y a deux ans, sur la carte? C'est loin d'être certain. L'entrevue en deux parties n'a pas fracassé des records de cotes d'écoute: aux États-Unis, autour de 4 millions de personnes ont regardé l'entrevue sur OWN jeudi soir (les cotes d'écoute de vendredi doivent paraître demain). Et on évalue à 600 000 le nombre d'internautes qui l'ont visionné sur le site web de la chaîne. Si l'entrevue avait été diffusée sur CBS ou ABC, il y aurait sans doute eu 10 fois plus de gens à l'écoute. Dommage.

À propos de Richard Garneau

Quand un géant des communications et des médias de la trempe de Richard Garneau s'éteint, c'est un double deuil. Deuil de perdre une voix si familière, car elle fait partie de notre vie depuis si longtemps, et ce, même si on n'est pas nécessairement amateur de sports. Deuil professionnel aussi, car la rigueur et le professionnalisme de M. Garneau sont des qualités rares.

S'il livrait un travail de si haut niveau, c'est qu'il y mettait le temps et l'effort requis. Son souci d'excellence ainsi que le respect qu'il portait au public étaient, de l'avis de ceux qui l'ont côtoyé, des valeurs profondément ancrées, des principes immuables chez Richard Garneau.

Un souhait? Que son entourage, famille et amis, mette sur pied une bourse ou un prix en son nom afin de souligner l'excellence d'une carrière dans les médias, tout en immortalisant le nom de ce grand homme.