On le dit, on le répète: la presse écrite traverse une crise. La chute des revenus publicitaires et l'incapacité de trouver un modèle d'affaires rentable ont bouleversé le secteur de l'imprimé au cours des dernières années. La presse étudiante n'y échappe pas. Avec tous les moyens à leur disposition pour rejoindre les jeunes, les annonceurs délaissent les pages noir et blanc des canards étudiants pour le web et les plateformes mobiles.

Au Québec, un journal est particulièrement touché par cette nouvelle réalité: Montréal Campus, journal étudiant de l'Université du Québec à Montréal fondé il y a 31 ans. Le Campus, comme l'appellent les habitués, ne peut compter sur les cotisations étudiantes qui assurent la santé financière de ses pairs, soit Impact Campus à l'Université Laval et Quartier Libre à l'Université de Montréal.

Il y a quelques mois, voyant sa situation se détériorer, l'équipe du journal a frappé à la porte des services étudiants de l'UQAM afin d'obtenir une subvention qui lui aurait donné un peu d'oxygène. En vain. L'UQAM a refusé de l'aider, prétextant un contexte difficile.

Réunis le 19 novembre dernier, les membres du conseil d'administration de Montréal Campus se sont donc résignés à adopter des mesures d'urgence, question d'éviter un déficit de 35 000$.

Il n'y aura donc plus que deux numéros imprimés par trimestre (plutôt que huit). Le Campus continuera toutefois à publier au même rythme sur le web.

Les responsables (rédacteur en chef, chefs de pupitre, photographes, etc.), qui étaient rémunérés depuis plusieurs années, deviendront bénévoles. Ces mesures permettront au journal d'éviter la faillite.

À plus long terme, Montréal Campus va tenter de toucher des cotisations étudiantes (ce qui signifie aussi renoncer à une certaine indépendance, puisqu'un représentant de l'association étudiante aurait normalement le droit de siéger au conseil d'administration du journal).

«L'UQAM nous a remis la liste de documents à fournir en février prochain pour devenir un groupe d'envergure, ce qui nous permettra de demander une cotisation, explique Catherine Lévesque. Des rencontres avec les associations sont à prévoir dans les prochaines semaines. Reste à voir si elles seront cordiales... Les associations étudiantes de l'UQAM n'aiment pas beaucoup les médias et cela inclut la presse étudiante.»

Le recours aux cotisations étudiantes n'est peut-être pas la seule bouée de sauvetage pour le Campus. Jean-Hugues Roy, ancien journaliste à Radio-Canada aujourd'hui professeur à l'École des médias de l'UQAM, a lancé l'idée d'un fonds auquel contribueraient les grands médias. Après tout, le Campus s'est avéré une formidable pépinière de talents: on ne compte plus les «diplômés du Campus» qui font carrière dans les grandes salles de rédaction de la province. «J'ai lancé l'idée comme ça, spontanément, souligne Jean-Hugues Roy. Je ne sais pas si cela pourrait fonctionner, mais il me semble que ce serait un juste retour des choses.» Le modèle de Pro Publica, agence qui se consacre au journalisme d'enquête et qui fonctionne grâce à l'implication financière d'une fondation, est un autre modèle intéressant pour un journal indépendant comme le Campus. Malheureusement, les fondations et les mécènes sont plutôt rares au Québec.

L'équipe du Campus a l'intention de frapper à plusieurs portes au cours des prochains mois. Elle a également invité tous les anciens à un «5 à 7» qui aura lieu au pub L'île noire de la rue Saint-Denis, jeudi. On profitera de l'occasion pour lancer un numéro spécial auquel plusieurs anciens ont collaboré. Reste à voir si son appel à l'aide sera entendu. (Par souci de transparence, l'auteure de ces lignes tient à préciser qu'elle a déjà été chef de pupitre société à Montréal Campus).