La BBC est dans l'eau chaude. Très chaude. Non seulement découvre-t-on qu'un de ses animateurs-vedettes était un véritable prédateur sexuel, mais voilà que certains se demandent si l'institution britannique n'abritait pas un réseau de pédophiles, et ce, sans que la haute direction ne fasse quoi que ce soit pour l'empêcher.

Un an après la mort de Jimmy Savile, les Britanniques découvrent avec horreur que le célèbre animateur de Top of the Pops aurait agressé plus de 300 petites filles au cours des dernières décennies. Était-il seul? Ce week-end, un chanteur britannique très populaire dans les années 70, Gary Glitter, a été interrogé longuement par la police en lien avec cette affaire. On sait que cet homme a déjà fait de la prison pour possession de pornographie juvénile en plus d'avoir été condamné pour abus sexuel de deux fillettes au Vietnam, il y a six ans.

L'histoire est tellement grave que même le premier ministre David Cameron a réagi, déclarant que la BBC allait devoir faire la lumière sur toute cette affaire ainsi que sur le comportement de certains membres de sa direction.

Il faut dire que les Britanniques se posent de sérieuses questions à propos de leur «Beep» adorée depuis qu'ils ont appris que peu de temps après la mort de Savile, un des patrons de la chaîne avait bloqué un reportage de l'émission Newsnight qui faisait plusieurs révélations sur les agressions sexuelles commises par l'animateur-vedette. Ce patron a remis sa démission la semaine dernière.

C'est finalement la chaîne rivale, ITV, qui a lancé la bombe. Dans un reportage intitulé The Other side of Jimmy Savile, on y apprend entre autres que l'animateur profitait de sa notoriété pour agresser des jeunes filles un peu partout, que ce soit dans les loges de la BBC, dans sa Rolls Royce et même dans les hôpitaux où il participait à des activités de charité.

Attaquée de toutes parts, la BBC a finalement pris le taureau par les cornes en consacrant 60 minutes de sa célèbre émission d'affaires publiques Panorama au cas Savile. Dans Jimmy Savile: What the BBC Knew, on pose même la question: d'où est venue la pression pour ne pas diffuser un documentaire qui mettait à jour le comportement criminel de Savile? Bref, la BBC enquête sur elle-même.

Il n'y a pas que les médias anglais qui se passionnent pour l'affaire Savile. L'histoire a des échos de ce côté-ci de l'Atlantique. En effet, le directeur général de la BBC durant les huit dernières années, Mark Thompson, entre en fonction comme nouveau patron du New York Times ces jours-ci. A-t-il joué un rôle dans cette affaire? La «public editor» du quotidien, Margaret Sullivan, a demandé publiquement que le journal fasse preuve de transparence et enquête sur le rôle joué par Thompson. L'éditeur Arthur Sulzberger fils s'est pour sa part fait rassurant, affirmant que cette histoire serait couverte avec autant de rigueur que les autres. Quant au principal intéressé, M. Thompson, il a déclaré à un journaliste du New York Times qu'il n'avait rien à se reprocher.

Cette histoire aurait sans aucun doute connu un dénouement fort différent si Savile était mort dans les années 70 ou 80. On n'aurait probablement pas déterré son passé criminel et les tentatives d'étouffer le scandale auraient sans doute réussi. Mais voilà, nous vivons à une époque où l'obligation de transparence est beaucoup plus forte et même les médias n'y échappent pas. La pression des autres médias ainsi que celle des réseaux sociaux comme Twitter et Facebook font en sorte que la BBC et le New York Times doivent montrer patte blanche et s'imposer le même traitement qu'ils imposent aux autres. L'affaire Savile est horrible, cela va de soi. Mais elle aura tout de même un impact positif sur les médias.