L'abolition par le CRTC d'un fonds pour la télévision généraliste oblige la Société Radio-Canada à couper son budget de 28,4 millions d'ici deux ans, a fait savoir le diffuseur public cet après-midi. Une nouvelle qui inquiète le syndicat des employés et qu'a vivement dénoncée l'opposition à Ottawa.

La SRC était le plus important bénéficiaire du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale (FAPL), dont l'abolition progressive d'ici trois ans a été annoncée cet été. Cette enveloppe de 106 millions a été créée en 2009 pour aider les télévisions généralistes comme Radio-Canada, TVA et V à traverser la récession.

Le FAPL était financé par les télédistributeurs comme Vidéotron et Bell, qui étaient forcés de contribuer 1,5% de leurs revenus, une facture qui était refilée aux consommateurs.

La SRC, qui a reçu 47 millions du FAPL au cours de la dernière année, s'était dotée d'un plan pour combler une éventuelle diminution du Fonds. Mais elle a été prise de court par son abolition pure et simple.

«La décision du CRTC d'éliminer complètement le Fonds signifie que la Société doit maintenant réduire son budget d'une somme additionnelle de 28,4 millions de dollars d'ici 2013-2014», écrit la direction dans une note rendue publique hier.

Radio-Canada annule donc des plans pour quatre nouvelles stations de radio, diminue la production d'émissions «de grande envergure» et réduit les fonds alloués à des émissions produites en région.

Le diffuseur public n'a fourni aucun détail sur les pertes d'emplois qui découleront des compressions.

«Compressions perpétuelles»

Le Syndicat des communications de Radio-Canada estime que ses membres vivent dans un climat de «compressions perpétuelles», et souhaite que le CRTC mette sur pied une commission indépendante pour étudier le financement de la SRC. Son président, Alex Levasseur, affirme qu'Ottawa a progressivement coupé les vivres au diffuseur public, une tendance qui s'est accélérée sous les conservateurs de Stephen Harper.

«C'est un gouvernement qui se préoccupe davantage du déficit pour les générations futures, mais qui est en train de saboter et de saborder un puissant outil culturel canadien, explique M. Levasseur. C'est une approche très idéologique qu'a développé le gouvernement actuel.»

Les compressions s'ajoutent à celles de 115 millions d'ici trois ans, annoncées en mars dans le budget fédéral, souligne le Nouveau Parti démocratique. Cette mesure a forcé la SRC à couper 650 emplois.

En 2009, le gouvernement conservateur avait réduit le budget de la SRC de 171 millions, ce qui a mené à la suppression de 800 postes.

«Le gouvernement conservateur a fait un régime minceur où il n'y a plus de marge de manoeuvre pour Radio-Canada, a dénoncé le critique néo-démocrate en matière de Patrimoine, Pierre Nantel. Et là, quand ils se font couper le Fonds d'aide, ça a une incidence immédiate. Quand tu es rendu à l'os, tu coupes dans l'os.»

Au bureau du ministre du Patrimoine, James Moore, on souligne que c'est le CRTC, et non le gouvernement qui a pris la décision d'abolir le Fonds d'aide à la programmation locale.

Aux Communes, le secrétaire parlementaire du ministre, Paul Calandra, a aussi fait valoir que son gouvernement a été élu sur la promesse de restaurer l'équilibre budgétaire, et que la SRC doit elle aussi mettre l'épaule à la roue.

«Nous leur avons demandé de participer dans ce projet, a souligné le député Calandra. Et ils l'ont fait d'une manière qui maintient la capacité de Radio-Canada de rejoindre les Canadiens partout au pays, et de remplir son mandat dans les deux langues officielles.»

Ottawa verse chaque année 1,1 milliard au diffuseur public.