Les journalistes du quotidien israélien de gauche Haaretz se sont mis en grève mercredi pour protester contre le licenciement prévu d'environ un tiers d'entre eux, a-t-on appris auprès de la rédaction.

Le quotidien, influent grâce à une édition anglaise qui lui assure un rayonnement international en dépit d'un tirage modeste (70 000 exemplaires en semaine pour l'édition en hébreu, 90 000 le vendredi), ne paraîtra pas jeudi.

«La grève a été votée par 120 journalistes contre 70. Le quotidien ne paraîtra pas demain mais l'édition du week-end (diffusée le vendredi) sera assurée», a déclaré à l'AFP Adar Primor, chef du service étranger du Haaretz.

«Nous savons qu'un tiers des journalistes vont être licenciés, soit 70 à 100 journalistes sur un total de 300», a-t-il ajouté.

Fondé en 1919, le Haaretz, dont le lectorat est en baisse constante, est soumis à un plan de réduction de ses coûts, confronté, comme de nombreux autres médias israéliens, à de graves difficultés économiques. Il appartient encore en majorité (60%) à la famille Shocken, d'origine juive allemande, qui a fondé le quotidien.

Adar Primor, employé depuis 20 ans, a indiqué que la crise était d'une gravité «sans précédent» et que les journalistes décideraient la semaine prochaine de la suite à donner à leur mouvement.

Le directeur du groupe, Amos Schocken, cité sur le site du journal, a affirmé que la direction avait adopté plusieurs des suggestions du syndicat des journalistes mais que le journal devait respecter ses contraintes budgétaires et que les licenciements étaient inévitables.

«Il est regrettable que le syndicat (des journalistes) ne comprenne pas que l'évolution de la presse nécessite d'adapter les dépenses à la réalité de l'activité (...) La décision de faire grève ne va pas renforcer le Haaretz mais l'affaiblir», a-t-il estimé.

Par ailleurs, environ 200 employés du tabloïd Maariv, plus encore en difficulté, ont manifesté mercredi soir devant la résidence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en lui demandant d'intervenir pour sauver la presse écrite.

«Nous sommes là, des centaines d'employés du Maariv devant la maison du Premier ministre (...) parce que la presse écrite s'effondre. Si l'État et le gouvernement n'interviennent pas, nous finirons avec un seul journal», a plaidé à la radio publique le correspondant parlementaire du Maariv, Aril Bender.

Le Maariv, troisième quotidien du pays en termes de diffusion, a récemment été acheté par Shlomo Ben-Zvi, propriétaire et rédacteur en chef du quotidien de droite Makor Rishon, proche des milieux nationaux-religieux.

Ce rachat, qui devrait se solder par le licenciement de plusieurs centaines d'employés de Maariv, fait aussi craindre à certains journalistes une inflexion de la ligne éditoriale du quotidien, aujourd'hui classé au centre droit.

Les médias israéliens, longtemps réputés pour leur pugnacité et leur liberté de ton vis-à-vis des pouvoirs, traversent une crise sans précédent, qui remet en cause leur indépendance et leur avenir.

De nombreux titres ont disparu, notamment en raison d'une concentration croissante de la presse aux mains de grands groupes comme celui du quotidien Yediot Aharonot, et surtout de l'apparition sur le marché de son concurrent gratuit à grand tirage, Israël Hayom.

Yediot Aharonot et Israël Hayom --dont le propriétaire, le milliardaire juif américain Sheldon Adelson, est considéré comme très proche de Benyamin Nétanyahou--, se disputent la plus grande part du marché, avec respectivement 44,3% et 31% des ventes pour l'édition du week-end, devant le Maariv, Haaretz et Makor Rishon.