La nouvelle est tombée quelques minutes avant 13h vendredi: le journal Mirror ferme ses portes après 28 ans d'existence. Son propriétaire, Québecor, invoque la «popularité du numérique» et les «défis économiques en découlant» comme un obstacle à la viabilité de l'hebdomadaire. Au total, sept personnes perdent leur emploi.

En entrevue la veille, l'éditeur de la publication, Alastair Sutherland, ne se doutait pas que le numéro de cette semaine serait le dernier. Il avait au contraire affirmé que dans le contexte, les choses allaient plutôt bien. «L'annonce de cette fermeture est une surprise pour moi», a-t-il écrit dans un courriel quelques minutes après la diffusion du communiqué de Québecor.

Mirror est la plus récente victime d'une crise qui touche tous les acteurs dans l'univers des publications culturelles gratuites: après 25 ans d'existence, l'hebdomadaire Voir vient d'annoncer la fermeture de deux éditions régionales ainsi que plusieurs coupes destinées à recentrer ses activités.

Au Mirror comme à Voir, les lecteurs étaient pourtant au rendez-vous. Les plus récentes statistiques du Print Measurement Bureau (PMB) montraient même une augmentation du nombre de lecteurs entre 2010 et 2011 pour les deux publications. Mais les revenus publicitaires, eux, sont en baisse, comme partout dans le secteur de la presse écrite. D'où la restructuration des dernières semaines chez Voir: après la fermeture de Hour Community, Voir Saguenay et Voir Mauricie, en mai dernier, on a appris au cours des derniers jours le départ des rédacteurs en chef de Voir Québec et de Voir Montréal. C'est une seule et même personne, Simon Jodoin, jusqu'ici directeur du développement des nouveaux médias, qui assumera la rédaction en chef nationale des hebdos, désormais au nombre de quatre (Montréal, Québec, Estrie, Gatineau).

La boutique Voir

«Notre moteur économique est encore le papier, assure toutefois le nouveau patron, Simon Jodoin. Il a encore une grande valeur. Avoir une première page dans les restos et les bars de Montréal ou de Québec a une valeur inégalée. Et c'est rare que la culture soit en première page. Nous pourrions instaurer un contenu premium sur le web, mais pour l'instant, on continue de croire à la gratuité. On conçoit le papier et le web comme un seul média, pas comme deux entités distinctes.»

Pour contrer les pertes publicitaires des dernières années, Voir tente une nouvelle expérience: la boutique Voir, un club d'achat qui offre des rabais aux abonnés dans les restos et les boutiques de Montréal. Lancée au début du mois de juin, «la boutique a des résultats qui vont au-delà des attentes», assure Simon Jodoin, qui ajoute que Voir se concentrera désormais sur la culture et ses enjeux sociétaux (ce qui explique le départ de la chroniqueuse politique Josée Legault). Pour ce faire, il déplacera certaines rubriques de Voir (pensons au calendrier) sur le web. «Il n'y a plus beaucoup de monde qui consulte le journal pour l'horaire de cinéma. Je préfère faire de l'espace dans le journal pour des réflexions et des reportages.»

Nightlife 100% web

Les hebdos ne sont pas les seuls à subir de profondes transformations. Mensuel bilingue créé en 1999 et acquis par la société d'affichage Newad en 2003, Nighlife ne publiait plus que quatre numéros papier par année. Récemment, le magazine a annoncé sa décision de concentrer ses activités sur le web. La livraison mai-juin actuellement en circulation est donc la dernière. «Nos dollars publicitaires se déplaçaient vers le web, affirme Martine Desjardins, vice-présidente édition et contenu chez Newad. On ne se le cachera pas, les revenus publicitaires sont en baisse dans l'imprimé, la plupart des annonceurs préfèrent le web parce qu'il est plus facile d'y mesurer l'efficacité d'une pub.»

Très actif depuis deux ans sur les réseaux sociaux, Nightlife a préparé le terrain pour son virage 100% web. «Il y a un an et demi, notre site comptait 200 000 pages vues par mois, souligne Martine Desjardins. Aujourd'hui, c'est 2 millions. Nous avons également lancé une application iPhone. Nous rejoignons un lectorat plus jeune que celui de Voir, des lecteurs qui sont très branchés et très mobiles.» Outre Nightlife, Newad possède d'autres sites comme 33 mag.com et Tonpetitlook.com et prévoit faire d'autres acquisitions sous peu. «Nous sommes en train de monter une équipe qui travaillera pour toutes nos publications web», explique Mme Desjardins.

Baron Magazine à la conquête du pays

Chez Baronmag, une publication offerte gratuitement dans quelques points de distribution montréalais et qui traite aussi bien de culture, d'affaires que de voyage et de design, on fait le contraire: tout en misant sur le web, on multiplie les numéros papier. «Plutôt que de publier deux magazines par année, nous publierons quatre journaux papier durant la même période», souligne Nelson Roberge, associé chez Extra Caramel qui publie aussi le magazine Perle.

«De plus en plus, les marques créent leur propre contenu et s'adressent directement aux consommateurs sur le web. Les éditeurs doivent faire preuve d'imagination. Chez Baronmag, nous partons à la conquête de la francophonie canadienne avec une présence d'un océan à l'autre afin d'élargir notre lectorat.»

Ces publications seront-elles toujours dans le paysage médiatique dans un an? Dans le contexte actuel, plus personne ne veut se risquer à de telles prédictions.