L'univers des médias québécois a été secoué par plusieurs fermetures au cours des 48 dernières heures. Hier, Communications Voir a annoncé la disparition de trois journaux alors que mercredi, Rogers a fermé le portail Branchez-Vous! et sept sites affiliés. Bien qu'il n'y ait aucun lien entre les deux entreprises, ces fermetures s'inscrivent dans une tendance à la consolidation dans un secteur, les médias, fragilisé au cours des dernières années.

Les numéros de Voir Mauricie, de Voir Saguenay et de Hour Community publiés hier étaient donc les derniers et trois personnes ont perdu leur emploi. «Il ne s'agit nullement d'un désintérêt de la part des lecteurs, peut-on lire dans un communiqué diffusé en matinée. Le lectorat est là et même à la hausse si l'on se fie aux récents résultats des études PMB. [...] Les annonceurs n'ont pas la capacité de supporter un journal gratuit dont l'unique source de revenus repose sur ses ventes publicitaires.»

Voir affirme qu'il continuera à informer ses lecteurs des régions touchées par l'entremise de son site web.

Pour Kevin Laforest, qui avait repris les rênes de Hour il y a un an, après que la direction eut congédié toute l'équipe de rédaction, il s'agit d'une triste nouvelle. «Je comprends, observe cependant l'ex-rédacteur en chef et seul employé permanent de Hour Community. Les annonceurs n'étaient pas là. Mais le journal jouait quand même un rôle important.»

À Voir Saguenay, qui en était à sa neuvième année d'existence, le rédacteur en chef et unique employé, Joël Martel, n'avait pas vu venir cette fermeture, mais savait qu'il y avait une épée de Damoclès au-dessus du journal. «On souffrait du fait que Voir était associé à Montréal, explique-t-il. Les commanditaires préféraient annoncer dans les journaux locaux même s'il y avait un attachement pour nous dans la population.» La rédactrice en chef de Voir Mauricie, qui allait célébrer son 10e anniversaire dans quelques mois, a préféré ne pas faire de commentaires.

Le même sort attend-il la publication mère, Voir Montréal, de plus en plus mince? Selon une source proche du journal, tant qu'il y aura Voir Télé, ça ira. «Mais le jour où l'émission disparaîtra, je ne jure de rien. Je ne suis pas sûr qu'ils vont célébrer leur 30e.» Communications Voir n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue.

Débranchez-vous

Mercredi, c'est le géant des télécommunications Rogers qui a annoncé la fermeture du portail web québécois Branchez-Vous! - sur lequel on trouvait nouvelles et blogues - ainsi que sept sites affiliés.

Ces fermetures se traduisent par la perte d'une vingtaine d'emplois (Rogers tentera de muter ces employés), sans compter les pigistes, consternés d'apprendre la nouvelle sur les réseaux sociaux. C'est le cas de la blogueuse Cécile Gladel qui écrivait «L'événement sur le Web» depuis cinq ans. «Je l'ai lu sur Facebook, dit-elle. Disons que c'est une drôle de façon de l'apprendre.» Fondé en 1995 par Patrick Pierra, Branchez-Vous! avait été acheté par le géant des télécommunications en 2010 pour 25 millions de dollars. Deux ans plus tard, Rogers explique que sa stratégie a changé. «Il y a eu un changement de direction et notre stratégie est désormais de développer nos marques sur plusieurs plateformes. Cela dit, on conserve tout le réseau de ventes de BV! Media», note Manon Leduc, directrice générale des propriétés numériques de Rogers pour le Québec.

Déçu, Patrick Pierra comprend toutefois la logique de cette décision. «Le choix de Rogers, la convergence, s'inscrit tout à fait dans l'évolution des médias.»

Pour Carl Charest, qui a dirigé Branchez-Vous! de 2006 à 2011, c'est un dur coup. «Des sites comme Huffington Post ont repris le modèle, mais Branchez-Vous! était un pionnier et il a permis de faire connaître de nombreux blogueurs au Québec.»