Lorsque l'ancien magnat de la presse Conrad Black recouvrera la liberté cette semaine, il sera confronté à un paysage médiatique fort différent de celui qu'il a quitté il y a une décennie.

On ignore encore s'il a l'intention de se plonger de nouveau dans ce secteur d'activité, qu'il a dominé pendant des années. Ceux qui ont connu Conrad Black croient toutefois qu'il pourrait toujours y exercer une influence - mais probablement pas dans une entreprise inscrite en Bourse.

Après la débâcle de Hollinger International, l'entreprise dont il tenait les rênes, Conrad Black a d'ailleurs signalé qu'il en avait assez de tout ce qu'implique la direction d'une entreprise.

«Les organismes de réglementation, les actionnaires minoritaires, toute cette merde. Je ne peux le supporter», a-t-il dit lors d'une entrevue accordée au magazine Vanity Fair avant de retourner derrière les barreaux, en août 2011, afin de purger les neuf derniers mois prévus à sa peine.

Karl Moore, professeur à la faculté de gestion Désautels de l'Université McGill, soutient qu'il est improbable de voir Conrad Black revenir à la tête d'une société avec actions. Il pourrait cependant agir dans l'ombre à titre de consultant ou de conseiller.

«Je pense qu'il pourrait y avoir des gens d'affaires - vous savez, d'anciens collègues ou d'anciennes connaissances - qui pourraient être tentés de brasser des affaires avec lui, parce qu'il est très intelligent», a estimé M. Moore.

Le portefeuille d'actions de Conrad Black valait jadis des centaines de millions de dollars. L'homme d'affaires avait le contrôle du Chicago Sun-Times, du Daily Telegraph de Londres et de nombreux journaux au Canada et aux États-Unis.

Conrad Black, qui devrait rentrer au Canada grâce au permis de résident temporaire d'un an qu'il a obtenu, a été reconnu coupable de fraude et d'entrave à la justice il y a cinq ans. Il était accusé d'avoir siphonné 6,1 millions $ aux actionnaires et d'avoir dissimulé d'importants documents.

Malgré ces condamnations, son sens aigu des affaires n'a cependant jamais été remis en question, a fait valoir Richard Powers, professeur en droit commercial à l'université de Toronto.

Le professeur Powers notait dernièrement, lors d'une discussion avec des gens d'affaires, qu'environ le tiers des personnes interrogées accepteraient de voir Conrad Black siéger à leur conseil d'administration.

«Personne n'a jamais dit qu'il n'avait pas un ensemble de compétences, mais ces compétences viennent avec une certaine notoriété publique», a expliqué Richard Powers. «Voulez-vous d'un criminel reconnu dans votre entreprise? C'est pourquoi je pense que tout ce qu'il entreprendra sera dans le secteur privé - probablement dans l'édition ou dans l'écriture.»

Lorsque Hollinger a vendu l'essentiel de ses journaux canadiens, en 2000, l'industrie médiatique n'avait pas encore été radicalement transformée par l'Internet.

Les blogues en étaient encore à leurs premiers balbutiements, et les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter étaient absents des écrans radar. Les sites comme Craigslist n'avaient pas encore sapé le lucratif marché des petites annonces.

Mais depuis, les revenus des journaux n'ont cessé de fléchir, les lecteurs s'étant massivement tournés vers le Web pour puiser leur information.

Canwest Global, le géant médiatique qui s'était porté acquéreur de la majeure partie du portefeuille d'actions de Conrad Black au Canada, a été démantelé et vendu en pièces détachées à des journaux appartenant maintenant au réseau Postmedia.

Malgré tout, il ne faut pas exclure la possibilité d'un retour de Black dans l'industrie des médias écrits. David Radler, un ancien partenaire d'affaires qui a témoigné contre lui en cour, dirige le Alberta Newspaper Group depuis sa sortie de prison.

Jadis reconnu comme celui qui organisait de somptueuses réceptions et qui se déplaçait d'un manoir à l'autre des deux côtés de l'Atlantique, Conrad Black a déclaré qu'il «pouvait vivre avec 80 millions $», faisant vraisemblablement référence à ce qu'il reste de sa fortune.

Il a également affirmé qu'il avait l'intention de continuer à écrire. Conrad Black collabore régulièrement au quotidien National Post, qu'il a fondé en 1998.

Son dernier ouvrage, une autobiographie intitulée A Matter of Principle (Une question de principe), est l'un des finalistes des National Business Book Awards 2012.

En 2010, lorsqu'un journaliste de la BBC lui a demandé s'il avait l'intention d'effectuer un retour dans le domaine des médias, Conrad Black a répondu: «Pas comme occupation principale, mais cela pourrait arriver».