Même s'il manque de statistiques pour le prouver, la webtélé québécoise a le vent dans les voiles. Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans qu'une nouvelle production voie le jour. Le problème? L'argent.

Contrairement à la télévision traditionnelle, qui s'abreuve à plusieurs sources de financement, la webtélé évolue dans un environnement embryonnaire. Pour l'instant, on compte sur les doigts d'une main les sources de financement. La plupart des producteurs de webtélé doivent donc faire preuve d'imagination et de dévouement pour réaliser leur projet.

«On finance peu le contenu original sur le web», déplore Jean-Martin Desmarais, producteur de Chez Jules, une des premières dramatiques produites pour le web, écrite et réalisée par Geneviève Lefebvre. «Le problème de fond, c'est la gratuité sur le web. On ne construit pas une économie si on ne reconnaît aucune valeur au contenu.»

Pour quelques succès comme Mère indigne, En audition avec Simon ou Temps mort, en nomination aux prochains International Digital Emmy Awards, on compte donc plusieurs productions qui en arrachent financièrement. Et ce, même si le public est au rendez-vous. Selon l'étude NETendances du CEFRIO, 29,7% des adultes québécois sont des «webtéléspectateurs».

«Le visionnement d'émissions de télévision sur l'internet, gratuites ou payantes, n'a jamais été aussi populaire», observent les auteurs de l'étude publiée l'automne dernier qui ne font toutefois pas la distinction entre le visionnement de télé conventionnelle sur le web et la webtélé originale.

Impossible, donc, de concevoir l'ampleur du phénomène et de brosser un portrait de cette industrie en devenir. Ce qui explique, du moins en partie, l'attente des institutions à investir.

«Nous sommes dans une phase d'expérimentation, affirme Jérôme Hellio, directeur des programmes internet et de TOU.TV qui, avec TV5 et V, diffuse et finance quelques productions web chaque année. C'est une jeune industrie et les modèles sont à inventer.»

Tout est relatif, souligne pour sa part Claire Dion, directrice générale adjointe du Fonds indépendant de production, un des deux bailleurs de fonds de la webtélé originale avec le volet expérimental du Fonds des médias du Canada. «À l'étranger, le Québec est perçu comme chanceux d'avoir du financement. Mais c'est vrai que la webtélé n'est pas encore un genre reconnu par les institutions de financement. C'est un cercle vicieux en quelque sorte, car c'est le financement qui permet la qualité. C'est un secteur en ébullition et il faudra attendre encore un peu avant que les choses se placent.»

Isabel Dréan et Simon Côté de Kebweb.tv sont parmi les chanceux qui ont obtenu l'aide financière du Fonds indépendant de production en 2011. Leur série Manigances, lancée il y a quelques semaines et mettant en vedette de grosses pointures comme Maxim Martin et Jean-Guy Moreau, est financée à hauteur d'environ 70%.

«Pour combler la différence, on doit se tourner vers des commanditaires, explique Isabel Dréan, coréalisatrice et coproductrice de la série. «Dans le milieu du web, pour une [équipe de créateurs] qui obtient du financement, tu en trouveras 25 qui travaillent gratuitement et paient de leur poche. La webtélé, c'est une porte d'entrée pour ceux qui veulent se faire connaître, mais c'est aussi un genre en soi. Or, les institutions comme Téléfilm et la SODEC attendent que ça décolle avant de plonger.»

Séries web en difficulté

En attendant, les moins solides en arrachent. C'est le cas des capsules Le tapis rose de Catherine, webémission sur le cinéma qui existe depuis quatre ans et qui connaît un beau succès. Sa créatrice, Catherine Beauchamp, est au bout du rouleau: si elle ne trouve pas de financement stable sous peu, elle devra mettre fin à l'aventure. «Les infrastructures ne sont pas là, dit-elle. Personnellement, je dois travailler comme pigiste si je veux me payer un salaire. Et je dois payer mon caméraman et mon monteur. J'ai une commandite ponctuelle pour aller couvrir le Festival de Cannes, mais, pour le reste, c'est difficile. Les portails web comme msn ou Canoe paient peu ou pas pour obtenir du contenu.»

La planche de salut des webémissions de type magazine serait-elle la télé? C'est ce que semble démontrer l'expérience de Jean-Michel Vanasse, qui produit Le Journal Techno depuis 2008. «Je n'ai pas fait de sous pendant un an; c'est mon cachet de chroniqueur techno à Salut Bonjour qui m'aidait à gagner ma vie. Mais, depuis que le journal techno est diffusé sur V, c'est devenu ma première source de revenus», affirme cet ancien journaliste de TQS.

Jusqu'ici, les institutions préfèrent donc financer la fiction sur le web. Mais encore là, il faut répondre aux nombreux critères des bailleurs de fonds. Un exemple: un des grands succès de la webtélé au Québec, En audition avec Simon, n'a pas obtenu un sou des institutions. «Les deux fonds existants financent seulement les productions originales, explique Guillaume Lespérance. Comme on avait déjà fait quatre épisodes en payant de notre poche, on était exclus.»

«C'est beaucoup de travail pour peu de revenus, poursuit le producteur, qui a rentabilisé la série en la vendant à TOU.TV. Personnellement, quand je suis embarqué dans En audition..., c'était un coup de coeur. On n'avait pas de plan d'affaires, on a convaincu les artistes d'embarquer. Chacun son histoire, mais il est clair qu'on n'a pas encore réussi à définir un modèle économique.»

Parmi les idées qui circulent, il y a celle avancée par le producteur Jean-Martin Desmarais, qui siège également au Regroupement des producteurs multimédia. «Pourquoi ne pas constituer un fonds semblable au fonds des câblodistributeurs et qui serait alimenté par les fournisseurs de services internet? On consomme de plus en plus de bande passante et les fournisseurs s'enrichissent. Il pourrait y avoir un système de redevances...»

Une idée à explorer.

Le Québec représenté en force au Web-TV festival - André Duchesne

Amateurs de séries web, à vos claviers! Le Web-TV Festival de La Rochelle est en cours et de nombreuses webséries québécoises y sont inscrites en compétition officielle.

Dans la catégorie web-humour, les webséries Pilotes et Carole aime son prochain sont de la compétition.

Plusieurs oeuvres québécoises sont aussi inscrites dans la catégorie web-fiction, dont 11 règles sur le thème de l'échangisme avec Mélissa Désormeaux-Poulin et Patrice Bélanger, Le pixel mort, Manigances et Juliette en direct.

Les séries Montréal Remix et la webtv du festival Mode et design de Montréal sont inscrites dans la catégorie web-aventure/tourisme alors que Clé 56 et plusieurs autres défendent le Québec dans la section web-documentaire.

Les internautes peuvent se rendre sur le site www.webtv-festival.tv pour attribuer des cotes aux webémissions visionnées.