Qu'ont en commun le fondateur de Twitter, Biz Stone, l'acteur québécois Marc-André Grondin et le président des États-Unis, Barack Obama? Ils sont tous abonnés à Instagram, l'application mobile qui permet de prendre des photos et de les publier en un tour de main. On peut y afficher ses propres clichés ou encore s'abonner aux photos des autres. Un choix de 17 filtres différents permet de retravailler les images, transformant n'importe quel photographe du dimanche en apprenti Annie Leibovitz ou Henri Cartier-Bresson (on exagère à peine!).

Croisement entre Twitter (on publie une photo plutôt que 140 caractères) et Facebook (on peut commenter et «aimer» les photos des autres), Instagram réunit création, partage et interaction.

C'est avant tout son côté social qui fait son succès : on peut partager ses photos avec ses abonnés Facebook et Twitter et on peut les identifier avec des mots-clés, comme sur le site de microblogage Twitter. Seule condition : avoir un iPhone, un iPad ou un iPod Touch, car Instagram n'est pas disponible autrement (une version Android sera lancée prochainement). L'application n'a aucune présence sur le web, à l'exception d'une vitrine invitant les gens à s'abonner.

Pour Jean-François Renaud, associé fondateur de la firme de stratégie internet Adviso, Instagram est avant tout un lieu de plaisir pour geeks sociaux «qui changent de réseaux sociaux parce qu'ils trouvent sans doute qu'il y a trop de monde sur Twitter et Facebook».

Lui-même prépare actuellement une stratégie qui s'articulera autour d'Instagram pour un client qui oeuvre dans le domaine de la photographie. «Les chiffres montrent que 37% des utilisateurs d'Instagram sont des gens qui n'avaient jamais téléchargé de photo auparavant, note Jean-François Renaud. C'est un outil qui a vraiment démocratisé la création artistique.»

Nommé application de l'année en 2011, Instagram a connu un succès fulgurant depuis son lancement par un duo de jeunes entrepreneurs de la Silicon Valley il y a moins de 18 mois. Aujourd'hui, le réseau social visuel compte environ 15 millions d'utilisateurs et, en août dernier, ses dirigeants évaluaient à environ 150 millions le nombre de photos téléchargées à l'aide de l'application. Instagram estime que les utilisateurs partagent 15 photos à la seconde.

Comment expliquer ce succès fulgurant? Étions-nous tous des photographes frustrés? Ou est-ce qu'Instagram pioche à fond dans le narcissisme exacerbé de notre époque, comme le faisait remarquer un psy dans le dernier numéro du magazine M, publié par Le Monde? «Il y a quelque chose de très individualiste dans Instagram, observe André Mondoux, professeur à l'École des médias, à l'UQAM. On dit: «Voilà une photo, ce n'est pas une carte postale, elle vient de moi, c'est l'expression de moi-même.» Oui, il y a un côté égocentrique à cela, mais le bon côté, c'est que ça libère un véritable potentiel de créativité. C'est une bonne chose.»

On trouve de tout sur Instagram: photos de bébés, d'architecture, de plats gastronomiques, gros plan sur des ongles d'orteil ou sur des poils de barbe, mais aussi les oeuvres de photographes professionnels ainsi que les comptes officiels de médias prestigieux. Quelques exemples: Vogue Italie, Vogue Espagne, le site de mode net-à-porter, les comptes du Wall Street Journal, de la section mode du New York Times, du magazine Vanity Fair et du site Huffington Post. Que publient-ils? Pour la plupart, des photos des coulisses de leur média: une réunion de production, une salle de rédaction, l'instant avant le début d'une entrevue officielle. On se situe quelque part entre la créativité et l'autopromotion.

Pour l'instant, on trouve très peu de marques québécoises sur Instagram. Un appel à tous sur Twitter n'a récolté que quelques réponses: un concessionnaire Mercedes de Laval, un salon de coiffure du centre-ville et un café ont répondu présents. Un grand magasin de mode montréalais devrait s'y trouver sous peu. On est loin de l'engouement. La Semaine de mode, qui débute aujourd'hui, ne l'utilisera même pas. Les médias québécois n'y sont pas non plus.

Pour Jean-François Renaud, de la firme Adviso, il est toutefois clair qu'Instagram représente une superbe vitrine pour toutes les entreprises du domaine de l'inspiration, du design ou de la restauration. «Mais bon, il y a tant d'heures dans une journée, et on ne peut pas être partout.»