Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre une personnalité qui s'est retrouvée au premier plan médiatique et lui pose 10 questions en lien avec la couverture dont elle a été l'objet. La 11e question provient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Sylvain Lévesque, président de l'Association des garderies privées du Québec (AGPQ).

1. Les ministres Tony Tomassi et Michelle Courchesne ont tous deux été critiqués pour leur gestion du dossier des garderies. Est-ce mieux depuis que la ministre Yolande James est en poste?

Il y a eu des changements apportés, tout n'est pas négatif. Mais les ministres ne sont jamais là assez longtemps pour que les changements se fassent vraiment. On repart à zéro tous les deux ans.

2. Vous êtes sorti sur la place publique, cette semaine, pour dénoncer le travail des fonctionnaires du ministère de la Famille, en particulier leurs méthodes d'attribution de places en garderie. Que leur reprochez-vous?

En fait, on a repris les propos du vérificateur général du Québec, Renaud Lachance. Nous, ça fait depuis 2004 qu'on dénonce le mode d'attribution. On montre du doigt Mme Courchesne, mais on oublie que les fonctionnaires aussi sont redevables, ainsi que les sous-ministres. En fait, les fonctionnaires ont beaucoup de pouvoir. Nous en avons fait la démonstration cette semaine. Une même demande a été analysée de façon différente par plusieurs fonctionnaires. On souhaiterait que les mêmes critères s'appliquent pour tous.

3. Vous avez réclamé la tenue d'une commission parlementaire. Qu'est-ce que cela apporterait, à votre avis?

Une commission parlementaire apporterait des éclaircissements sur la façon dont les places ont été attribuées en 2008 et sur quelle base. Chaque inspecteur interprète la loi à sa façon. Je vous donne un exemple: un lit d'enfant jugé non conforme parce que l'étiquette était placée sous le lit. La garderie visée a été inscrite sur le site web du ministère de la Famille comme étant non conforme pour une étiquette mal placée. Ça fait peur aux parents pour rien et, pendant ce temps, on n'inspecte pas les garderies problématiques.

4. Les garderies privées ont souvent mauvaise presse. Pourquoi, selon vous?

Parce qu'on nous associe au Parti libéral. On a été éclaboussés à cause d'un petit groupe et on se fait comparer aux garderies privées sans subvention, alors que nous sommes complètement différentes. Ensuite, quand le vérificateur général a cité l'étude Grandir en qualité, il faisait référence à une situation qui avait cours en 2001 et en 2003. Or, depuis ce temps, les garderies privées doivent respecter le même ratio d'éducatrices spécialisées que les centres de la petite enfance (CPE), soit deux éducatrices sur trois. L'aspect qualité est donc le même que dans les CPE.

5. Quelle est la différence majeure, selon vous, entre les garderies privées subventionnées et les CPE?

Il n'y a plus de différence, à l'exception des comités de parents qui sont décisionnels dans les CPE alors qu'ils sont consultatifs dans les garderies privées. Je trouve que c'est très bien comme ça, il faut de la mixité dans le système. Et ce ne sont pas tous les parents qui ont envie de gérer leur garderie. Ils travaillent 40 heures par semaine, ils n'ont pas toujours le temps de s'engager de la sorte.

6. Vous avez oublié le statut d'organisme à but lucratif. C'est une différence importante entre les deux systèmes, non?

Je vous dirais que le statut à but lucratif défavorise les garderies privées. Pour une garderie de 80 places, dont 10 poupons, la garderie privée reçoit 200 000$ de moins que le CPE. Or, notre tarif est fixé par le gouvernement à 7$ par jour et nous payons des impôts. De plus, nous ne sommes pas exemptés de la TPS et de la TVQ (les CPE le sont à 50%). Sans compter que nous sommes soumis aux mêmes critères que les CPE. On ne peut pas dire que nous sommes ici dans un contexte de libre entreprise. Seules les garderies privées non subventionnées peuvent facturer des frais supplémentaires selon les activités offertes. Nous, nous n'avons pas le droit. Ce n'est pas comme ça dans les autres provinces, c'est une particularité québécoise.

7. L'étude Grandir en qualité a noté que les garderies privées sont plus souvent l'objet de plaintes. Comment expliquez-vous cela?

C'est normal, car la structure des garderies est différente. Les parents des CPE, qui participent aux décisions, n'iront pas se plaindre de leur propre gestion au Ministère, tandis que les parents en garderie privée ne sont pas portés à se tourner vers leur comité de parents, ils vont plutôt appeler au Ministère. Or, depuis 2005, les comités de parents des garderies privées ont le pouvoir de recevoir les plaintes, ce n'est seulement pas entré dans la culture. J'ajouterais que les plaintes sont concentrées dans le même petit groupe de garderies exploitées par les mêmes propriétaires. Ce sont des garderies délinquantes. Notre association dit souvent au Ministère d'envoyer des inspecteurs visiter ces garderies plutôt qu'inspecter les garderies qui vont bien.

8. Que faites-vous lorsqu'une garderie membre de votre association est l'objet d'une plainte?

On la soutient, on l'aide à s'améliorer. Quand j'ai pris la tête de cette association, il y a 15 ans, l'attitude était de refuser les garderies moins bonnes. Moi, au contraire, je veux que toutes les garderies soient membres afin qu'elles aient accès à la formation, aux congrès, à une influence positive qui aura un impact sur les services qu'elle offre. Notre réseau accueille 47 000 enfants, donc la qualité doit être une priorité.

9. La création de bureaux coordonnateurs devait régler plusieurs problèmes sur le terrain. Est-ce mieux ou pire qu'avant?

Ça n'a pas amélioré grand-chose, à mon avis. On fait affaire avec des installations indépendantes, mais je peux dire que ces bureaux n'ont pas corrigé certaines aberrations. Par exemple, je déplore que les garderies en milieu familial ne soient pas soumises aux mêmes critères que les autres services de garde. On exige des éducatrices qu'elles aient reçu seulement 45 heures de formation, alors que dans les garderies en installation, on exige un DEC. Or, ce sont les mêmes enfants dans le même réseau! Pourquoi les traite-t-on différemment? Pourquoi permet-on un niveau de qualité inégal? Ça n'a pas de bon sens.

10. Récemment, dans le cadre de vos négociations avec le gouvernement, vous avez menacé de fermer les garderies durant la journée du 10 novembre. Vous trouvez cela acceptable de prendre les parents en otages?

Premièrement, jusqu'ici, nous n'avons jamais fermé. Nous avons commencé par distribuer des dépliants, puis nous avons organisé une marche un samedi, à laquelle les parents ont participé. Mais on est arrivés à un moment donné où il a fallu utiliser la menace pour nous faire entendre. On dirait qu'au Québec, c'est la seule façon de fonctionner et c'est vraiment dommage. Mais on n'a jamais voulu utiliser les parents. Ils étaient avec nous et nous appuyaient.

TWITTER +1 d'Isabelle Bastien@Zaz2715

On parle de la fermeture de garderies privées en 2012. Est-ce une réalité possible, selon vous?

Il faut être honnête, depuis 2008, les gestionnaires ont été avisés par l'Association ET par le Ministère qu'ils n'auraient pas accès aux subventions. Ils ont décidé d'ouvrir quand même. Les garderies ont poussé comme des champignons sans aucune consultation régionale et sans qu'on ait étudié les besoins sur un territoire donné. Dans certains cas, les besoins n'étaient pas vraiment là. Je trouve que ces garderies ont le droit de demander une hausse de crédits d'impôt, mais à part ça, elles n'ont pas raison de se plaindre, d'autant plus que le nouveau plan de développement des places en garderie prend leur présence en considération.