Le grand patron de Radio-Canada, Hubert Lacroix, affirme qu'il n'a pas l'intention de se lancer dans une «bataille» avec Quebecor. Mais il ne va pas non plus reculer dans le bras de fer qui oppose le diffuseur public à l'empire médiatique de Pierre Karl Péladeau.

Le conflit ne semble pas s'essouffler au sujet du refus de Radio-Canada de répondre à de très nombreuses demandes d'accès à l'information formulées par les journalistes de son concurrent Quebecor, qui inclut également le groupe Sun Media.

Quebecor reproche à Radio-Canada/CBC de ne pas rendre des comptes au public canadien en refusant ses nombreuses demandes d'accès à l'information, qui visent notamment à examiner ses dépenses. L'entreprise soutient qu'elle a le droit de scruter les affaires d'une société financée par le gouvernement et donc, par les contribuables.

Mais Radio-Canada refuse, prétendant qu'elle se trouverait à donner un avantage commercial à ses concurrents en révélant des informations sur sa gestion, sur le travail des ses journalistes et sur ses stratégies marketing.

La semaine dernière, Radio-Canada a abandonné sa retenue habituelle et a émis une rare mise au point qui visait, selon elle, à rétablir les faits, et qui dénonce à son tour l'absence de reddition de comptes de Quebecor. La note, mise en ligne sur son site internet, relevait entre autres que Quebecor a reçu plus d'un demi-milliard de dollars des contribuables au cours des trois dernières années.

«Quebecor utilise ces fonds publics et sa position dominante dans certaines industries protégées pour engranger des profits records et, pourtant, se plaint que Radio-Canada fasse «concurrence» à son réseau de télévision TVA», a écrit le diffuseur public dans ladite note.

La réplique de Quebecor avait été rapide et cinglante.

Son grand patron, Pierre Karl Péladeau, a exigé du diffuseur public - par voie de mise en demeure - qu'il se rétracte pour ces «faussetés et informations mensongères» et enlève sa «rectification des faits». Il demandait aussi que Radio-Canada publie une réponse de Quebecor.

Peine perdue. «On a pas l'intention d'enlever l'information», a affirmé mardi M. Lacroix. Il n'a cependant pas encore décidé ce qu'il allait offrir comme réponse à la mise en demeure de Quebecor.

Selon lui, il est important que les Canadiens aient tous les faits pour juger de cette dispute. «Pour avoir une conversation intelligente», a-t-il souligné.

«Ce n'est pas une question de bataille. Je n'ai pas du tout l'intention de me lancer dans une bataille», a-t-il calmement énoncé.

Il a réitéré mardi son «grand respect» pour Pierre Karl Péladeau qui a bâti un empire au Québec.

La «mise au point» de Radio-Canada s'intitulait néanmoins «Ce que Quebecor ne vous dit pas quand elle attaque le radiodiffuseur public».

Hubert Lacroix a fait ces commentaires aux journalistes mardi après avoir comparu devant le comité des Communes sur le Patrimoine canadien où il a informé les députés du plan de développement de Radio-Canada pour les cinq prochaines années.

Prudent et diplomate devant le comité, M. Lacroix a soigneusement évité de critiquer le gouvernement conservateur, alors que ses députés ont renouvelé leurs attaques contre le diffuseur public et laissent entendre que son financement est menacé.

M. Lacroix a ainsi pris soin de mentionner qu'il ne demandait pas plus de financement au gouvernement et a exprimé sa reconnaissance pour les fonds déjà octroyés.

Il n'a pas voulu se prononcer sur de possibles abolitions de postes au sein de la Société d'État, préférant attendre de voir l'ampleur des compressions exigées par le gouvernement.

Quant au refus de Radio-Canada de répondre aux demandes d'accès à l'information, M. Lacroix va comparaître personnellement la semaine prochaine devant le comité des communes chargé d'étudier cette question.

Autre comité

Par ailleurs, la commissaire à l'information du Canada doute des affirmations de Radio-Canada-CBC selon lesquelles le diffuseur public a amélioré ses pratiques de divulgation d'informations.

Suzanne Legault a déclaré mardi à un autre comité des Communes qu'elle a de sérieuses inquiétudes quant aux nouvelles règles que Radio-Canada utilise lorsqu'il examine les demandes d'accès à l'information.

Selon elle, il semble que le diffuseur public rejette automatiquement certaines demandes, un geste qui pourrait faire croire que l'organisme réduit ses délais de traitement.

La commissaire a également déclaré au comité d'accès à l'information qu'elle ne croit pas que Radio-Canada consacre assez de ressources pour gérer les demandes d'accès et les enquêtes qui y sont liées.

Mme Legault et le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Konrad von Finckenstein, ont tous deux demandé que la Loi sur l'accès à l'information soit clarifiée.

Les députés fédéraux se penchent actuellement sur la feuille de route du diffuseur public en matière de divulgation de renseignements, ainsi que sur la bataille judiciaire entre la SRC et le bureau de Mme Legault.