Les médias abordent rarement les questions religieuses et, quand ils s'y intéressent, c'est souvent dans un contexte de crise. C'est un des constats de la discussion qui avait lieu hier dans le cadre des entretiens Jacques-Cartier, une série de colloques qui se déroule à Montréal jusqu'à jeudi.

La religion a peu de place dans les médias, ont observé les cinq panélistes invités à prendre la parole hier. Or, «on ne peut pas comprendre la politique américaine et la montée du Tea Party, par exemple, si on ne tient pas compte du religieux», a souligné la columnist de La Presse, Lysiane Gagnon. Même son de cloche du côté de sa collègue du Toronto Star et du Devoir, Chantal Hébert, qui a souligné que la question religieuse faisait désormais partie de la donne politique canadienne.

En fait, la religion est une toile de fond pour expliquer bon nombre d'enjeux actuels. Le problème, selon les panélistes présents hier, c'est que les journalistes ont très peu de connaissances et d'intérêt dans ce domaine. Au Québec, de l'avis général, cela s'explique par l'oppression de l'Église catholique qui a débouché sur un rejet unilatéral de la religion.

L'insolite d'abord

Résultat, «les médias parlent de ce qui se trouve à la périphérie du phénomène religieux et qui sort de l'ordinaire, selon Lysiane Gagnon: scandales sexuels, célébration d'un mariage homosexuel par un rabbin, etc.» La population a pourtant une grande soif d'entendre parler de spiritualité, selon Eugénie Francoeur, journaliste et documentariste qui travaille actuellement à une série sur le bonheur.

Pour le chercheur Jean-Michel Landry, doctorant à l'Université de Californie à Berkeley, non seulement on ne traite pas du religieux dans toute sa complexité, mais on a tendance à diaboliser certaines religions, l'islam, par exemple. M. Landry compare les attentats d'Oklahoma City et d'Oslo, en Norvège. Dans les deux cas, les médias ont tout de suite montré du doigt le djihad islamiste. Il aura fallu l'arrestation des coupables, des Blancs occidentaux dans les deux cas, pour qu'on abandonne cette piste, et encore. «En Norvège, ajoute M. Landry, les médias ont continué à parler d'attentat djihadiste dans sa forme et son ampleur.»

Cette tendance à opposer les grandes religions se situe à mille lieues des expériences vécues par Michèle Debidour, professeure à l'Université catholique de Lyon, qui a déjà présidé le jury oecuménique du Festival de Cannes, et qui a participé à de nombreuses rencontres interreligieuses basées sur l'ouverture et le dialogue.

Rien à voir, donc, avec l'antagonisme souvent véhiculé dans les médias. Est-ce le rôle des médias de traiter du religieux? Eugénie Francoeur a rappelé qu'en Angleterre, la BBC a une section religion très importante, plusieurs émissions de radio ainsi que des correspondants dans ses bulletins de nouvelles. Comme quoi, selon elle, il y a un réel intérêt pour ces questions dans la population.