«A tough cookie...»

C'est en ces mots que nos compatriotes canadiens-anglais pourraient décrire la journaliste Christie Blatchford qui vient de retourner au National Post après un intermède de huit ans au Globe and Mail. Journaliste depuis plus de 30 ans, Christie Blatchford est reconnue pour sa pugnacité, ses jurons, et surtout pour ses couvertures extraordinaires de la scène judiciaire et des faits divers.

«Je sais que les gens disent que je suis une fille coriace, mais au fond, je suis une grande sentimentale, affirme la journaliste jointe au téléphone par La Presse. Encore l'autre jour, je couvrais un procès avec un collègue du Sun et il m'a lancé: Mon dieu tu pleures encore! Pendant le procès Bernardo, mes carnets de notes étaient littéralement mouillés. Plus je vieillis, plus je suis sentimentale...»

Quand Christie Blatchford a commencé sa carrière de journaliste, il fallait faire preuve d'une certaine dureté pour se tailler une place dans le métier. À l'époque, les femmes journalistes étaient moins nombreuses dans des domaines comme les sports et les faits divers. «Mais j'ai toujours eu des patrons très progressistes qui me traitaient sur le même pied d'égalité que mes collègues masculins, assure Christie Blatchford. Et puis j'étais jeune, je fermais les yeux sur les obstacles qui auraient pu barrer ma route...»

En retournant au National Post, Christie Blatchford revient en quelque sorte à la maison. L'image un peu guindée du Globe and Mail ne lui convenait pas vraiment, dit-elle. Désormais, ses chroniques seront publiées d'un océan à l'autre grâce au réseau de journaux PostMedia dont font partie, entre autres, The Gazette et The Ottawa Citizen.

«J'avais quitté le Post avec regret en 2003, à la suite du renvoi de Ken Whyte par les Asper, explique-t-elle. Au fond, je suis partie parce qu'il s'en allait, mais on ne peut pas dire que j'avais vraiment ma place au Globe. C'était un journal d'affaires et de politique, une institution, alors que je suis une fille de faits divers.»

Avant d'arriver au National Post, Christie Blatchford a travaillé au Sun durant plus de 10 ans, un journal qui l'a formée comme reporter. «Ma philosophie, c'est de ne pas gaspiller d'espace quand j'écris, affirme-t-elle. Il y a de moins en moins de nouvelles dans les journaux alors j'essaie d'aller droit au but. Je n'ai pas un style très raffiné, j'essaie d'écrire de la façon dont les gens parlent. Je suis une reporter d'abord et une columnist ensuite.»

Née à Rouyn-Noranda, Christie Blatchford a quitté le Québec à l'adolescence. Quelle relation entretient-elle aujourd'hui avec la Belle Province ? «Lorsque je suis partie du Québec, j'avais 15-16 ans, j'étais parfaitement bilingue, se souvient-elle. Quand je suis sortie de l'Université Ryerson, diplômée en journalisme, j'ai été embauchée par le Globe et j'étais suffisamment bilingue pour couvrir une nouvelle qui se passait en français. Aujourd'hui, mon français est très mauvais. Je reviens au Québec trois ou quatre fois par année et j'ai toujours honte. Mon frère, lui, est resté au Québec et sa famille est parfaitement bilingue. Mon neveu Andy Blatchford, est reporter à la Canadien Press, à Montréal.»

Parmi les reportages qui l'ont marquée, outre le procès Bernardo, il y a celui sur Terry Fox, dont la mère est morte la semaine dernière. «Je l'avais rencontré dans le nord de l'Ontario, une semaine avant qu'il ne tombe malade, rappelle-t-elle. Son histoire m'a beaucoup touchée.» L'autre expérience journalistique qui a laissé une empreinte indélébile, c'est sa rencontre avec les soldats canadiens en Afghanistan, histoire qu'elle a racontée dans son livre Fifteen Days, publié en 2008. «Connaître les soldats a été l'expérience la plus forte de toute ma vie, dit-elle, une véritable révélation.»

Aujourd'hui, à l'âge de 60 ans, Christie Blatchford entame un nouveau chapitre de sa vie professionnelle avec, semble-t-il, autant d'enthousiasme que si elle était en début de carrière.

Christie Blatchford se fait toutefois un devoir de ne pas lire les commentaires des lecteurs en ligne, commentaires qu'elle trouve particulièrement ignobles à l'endroit des femmes. «On vous écrit des trucs comme: Vous être vieille et laide, je ne suis pas surpris que vous ne soyez pas mariée... Les gens disent des horreurs.»

Cette journaliste d'expérience regarde les médias sociaux avec prudence. «Je vais sur Twitter quand il le faut comme lorsque j'ai couvert les derniers Jeux olympiques, par exemple, mais je ne tweete pas moi-même, précise-t-elle. J'aurais peur de me noyer dans ce flot d'informations. Et puis, je trouve qu'il y a des personnalités publiques qui perdent beaucoup de crédibilité en écrivant des choses vraiment ridicules.»

Son retour au National Post annonce-t-il une reprise de la guerre entre les journaux à Toronto selon elle? «La compétition est moins intense qu'à l'époque du lancement du Post, affirme-t-elle. Mais le nouvel éditeur du Star est très compétitif. Il a réaménagé le journal et semble vouloir se battre. Même chose du côté du Sun qui est devenu meilleur récemment. L'intensité va peut-être revenir, ce qui serait une très bonne chose.»

Pour en savoir plus: Fifteen Days Stories of Bravery, Friendship, Life and Death from Inside the New Canadian Army, Christie Blatchford, éd. Random House, 400 p., 35$

Les sources de Christie Blatchford

«Je cours alors je lis régulièrement Canadian Running. Je lis également Canadian House and Home que je considère comme étant le meilleur magazine de décoration au pays pour mes moyens. Comme je suis en réno ces temps-ci, je suis obsédée par la décoration. Je lis également Macleans et The New Yorker ainsi que Esquire, Vogue et Toronto Life de façon irrégulière.»

«Je lis tous les quotidiens de Toronto ainsi que l'édition dominicale du New York Times et l'International Herald Tribune à l'occasion, poursuit la journaliste. Je consulte les sites web de tous les journaux que je viens d'énumérer ainsi que celui de PostMedia et des quotidiens new-yorkais.»

«À la radio, je suis un peu partiale, reconnaît-elle, car je travaille à temps partiel pour NewsTalk 1010 à Toronto. J'aime bien les émissions de John Moore (un ancien de Montréal) et de John Tory ainsi que l'émission de Ric Petersen sur les ondes de CJAD Montréal, émission à laquelle je suis invitée une fois par semaine. À la télévision, je regarde les nouvelles, le hockey, ainsi que des émissions dramatiques comme Flashpoint et Criminal Minds