Sale temps pour Rue Frontenac. Le site internet né du lock-out du Journal de Montréal avait annoncé, à la fin du conflit avec Quebecor, être en négociations avec un investisseur important pour assurer sa survie. Or, ces négociations ont échoué. Rue Frontenac a depuis «tendu des perches» à d'autres groupes, mais, faute de trouver un partenaire, il envisage la fermeture dès vendredi.

«On est là-dedans, dit Jean-François Codère, journaliste, cofondateur et coordonnateur du site. Cela fait trois semaines que les gens ne sont plus payés. Il y a une possibilité pour que Rue Frontenac s'éteigne d'ici à la fin de la semaine. Malheureusement, on en est là.»

Les 45 employés n'ont pas abandonné tout espoir. L'échéance de vendredi pourrait être repoussée s'il y a «des développements significatifs d'ici là mais, honnêtement, ce n'est pas joué», dit M. Codère. «On a la semaine pour trouver un plan B», affirme pour sa part un journaliste joint par La Presse.

Un coup dur

Fondé en janvier 2009 par les 253 syndiqués lock-outés du Journal de Montréal, Rue Frontenac a rapidement obtenu un succès d'estime dans le paysage médiatique québécois.

Le site s'est accompagné d'un hebdomadaire imprimé, lancé l'automne dernier, qui tirait à 75 000 exemplaires, dont la publication a cessé le 28 avril.

«Dans les derniers milles des négociations, c'est clair que le papier n'était plus dans les plans. Même quand on l'a lancé, c'était plutôt une béquille, et on voulait lancer le projet sans béquille», explique Jean-François Codère.

Le coup reste dur pour les artisans de Rue Frontenac, qui ne sont pas retournés au Journal de Montréal à l'issue du conflit. «C'est sûr que l'ambiance n'est pas gaie. Rue Frontenac est le bébé de tout le monde. Tous y ont cru, tous croyaient avoir trouvé une façon de faire leur métier comme ils l'aiment. Nous avons été soudés dans les dernières années, et l'idée de nous séparer est sans doute la plus difficile à admettre.» M. Codère estime qu'il faudrait de 2,5 à 3 millions de dollars pour consolider le modèle d'affaires du site la première année.

Dans l'univers de la presse québécoise, les médias indépendants n'ont pas la vie facile. «Ça nous a fait réaliser à quel point ce n'est pas évident de penser à lancer une entreprise. Il y a de grands groupes, des habitudes du lectorat et des annonceurs qui sont durs à déplacer», dit-il. On ignore les raisons pour lesquelles les négociations de Rue Frontenac avec cet investisseur potentiel ont échoué.