Lundi matin, 12 heures après la dernière de Tout le monde en parle, Guy A. Lepage semblait en pleine forme. La veille, l'animateur a terminé sa septième saison en donnant rendez-vous aux téléspectateurs en septembre prochain, une nouvelle qui a sans aucun doute réjoui les quelque 1,5 million de fidèles qui regardent l'émission tous les dimanches soirs. Après sept ans, le moment semblait bien choisi pour dresser un bilan d'une des émissions les plus populaires de l'histoire de la télévision québécoise. Visiblement, l'animateur de la «messe dominicale», comme certains ont surnommée TLMEP avec les années, est satisfait de sa saison.

«Honnêtement, ma principale motivation pour continuer, ce sont les rencontres humaines, affirme l'animateur. Des entrevues comme celle que nous avons faite avec l'animatrice Chantal Jolis, par exemple, c'est ce qui m'intéresse le plus, avec les discussions comme celle de dimanche dernier au sujet de ben Laden. L'émission m'a fait changer comme être humain.

«Quand j'ai commencé, il y a sept ans, j'étais quelqu'un d'à la fois généreux et très égocentrique, poursuit Guy A. Lepage. Et si je remonte plus loin, quand j'avais 20 ans par exemple, je dirais que j'avais 0 sur 10 en empathie et en compassion. Aujourd'hui, je dirais que j'en ai 12 ou 13 sur 10.»

Il faut dire qu'avec les années, le talk-show-vedette de Radio-Canada est devenu une formidable tribune pour toute une panoplie de causes sociales. Pensons seulement à la visibilité qu'ont obtenue les pères des trois jeunes filles impliquées dans un accident de la route l'an dernier, ou encore à la récente visite de Pina Arcamone, directrice générale d'Enfant-Retour. Quel groupe ne rêve pas d'être invité à la célèbre émission pour promouvoir sa cause? Cette pression et la responsabilité sociale qui l'accompagne sont-elles difficiles à gérer? «C'est vrai qu'on nous propose beaucoup de causes, répond Guy A. Lepage. On gère l'abondance. Et on prend ça très au sérieux. Quand un membre de l'équipe présente une cause en réunion de recherche, tout le monde se tait et écoute jusqu'au bout. Le choix est influencé par toutes sortes de raisons, mais c'est certain que, lorsqu'on peut le relier à l'actualité, comme dans le cas d'Enfant-Retour et la découverte du cadavre de Jolène Riendeau, c'est encore mieux.»

Le poids de Tout le monde en parle ne se fait pas seulement sentir dans l'univers social. Sur la scène politique aussi, l'animateur et son émission peuvent faire une différence. Au lendemain des élections fédérales, par exemple, plusieurs observateurs ont souligné l'influence de l'émission dans l'élection de 57 députés du NPD au Québec. Qu'en pense l'animateur qui a reçu tous les chefs de parti à l'exception de Stephen Harper, ce dernier n'ayant jamais répondu à l'invitation? «Oui, Tout le monde en parle a eu une influence sur la popularité de Jack Layton au Québec, observe Guy A. Lepage. C'est normal, il y a 1,5 million de personnes qui regardent l'émission. Mais les débats aussi ont eu une influence et le fait que Jack Layton n'ait commis aucune erreur de parcours durant sa campagne a également compté.»

Équipe bien rodée

Même si la formule de Tout le monde en parle n'a pas changé d'un iota depuis son entrée en ondes (rappelons qu'il s'agit d'un concept original du Français Thierry Ardisson), l'équipe a peaufiné bien des détails avec le temps. À commencer par le montage de l'émission, qui nécessite deux jours de travail. «Au début, je consacrais environ 18 heures au montage de l'émission, explique l'animateur. Aujourd'hui, j'ai ramené ça à 10 ou 12 heures et je ne pense pas pouvoir descendre en bas de ça. Quand je monte, je suis très objectif. Si ma question est bonne et me fait paraître brillant, mais que la réponse de l'invité est plate, je vais l'enlever. Même chose si Dany fait une bonne blague, mais qu'elle vient avant et après quelque chose de plate, la blague va sauter.»

«On aurait pu sombrer dans la routine, poursuit Guy A. Lepage, mais l'année qui s'achève a été excellente. J'abordais chaque émission comme si c'était la dernière.»

Guy A. Lepage estime également que l'équipe de recherche qui l'entoure a atteint sa vitesse de croisière. «La recherche a toujours été excellente, mais je dirais que depuis cinq ans, on est complètement sur la coche.» Même les invités se sont améliorés, selon l'animateur. «Ils connaissent les règles du jeu et ils se préparent, lance-t-il. Louis-José Houde, invité dimanche dernier, s'était informé sur les autres invités avant de se présenter à l'émission. Il a lu sur eux, il a vraiment fait son travail.»

Et l'animateur? En quoi a-t-il changé au cours des sept dernières années? «J'ai gagné en assurance, reconnaît-il. Au début, j'avais moins confiance en mes moyens. Quand ça n'allait pas comme je voulais, je me disais qu'on arrangerait ça au montage. Ça ne se voyait pas à l'écran, mais le petit hamster roulait et il était paniqué. Aujourd'hui, quand j'arrive à une émission, je n'ai plus d'attentes, je suis prêt à tout. Le petit hamster roule encore, mais c'est juste du plaisir.»

Guy A. Lepage sur Twitter



Guy A. Lepage a très bien compris Twitter, site de microblogage où il compte déjà plus de 54 000 abonnés. «Je ne voulais pas être sur Facebook, mais j'adore Twitter. On peut être éditorialiste, drôle et impitoyable, tout ça en 140 caractères. Je trouve que Twitter donne une bonne idée de la vivacité - ou de l'absence de vitalité - des gens. Je suis conscient de mon influence et quand je twitte durant la diffusion de l'émission, je me garde une petite gêne dans mon appréciation d'un invité. Je ne veux pas laminer quelqu'un en 140 caractères. Par contre, quand un imbécile m'écrit une niaiserie, je lui dis de retourner à ses sept followers. Je ne suis pas obligé de le lire et je le lui fais savoir.»