«Lorsque vous êtes victime de violence sexuelle, vous n'avez que votre parole. Les blessures guérissent et vous n'avez plus la preuve physique de votre agression, contrairement à ceux qui perdent une jambe ou un bras en Afghanistan, par exemple.» Ces paroles sont celles de Lara Logan, cette journaliste du réseau CBS qui a été agressée sexuellement le 11 février dernier, place Tahrir, alors qu'elle préparait un reportage sur la chute du président égyptien Hosni Moubarak.

La journaliste a été séparée de force de son producteur et de son garde du corps et, selon elle, de 200 à 300 hommes l'ont agressée avant qu'on réussisse à la tirer de là. Elle était convaincue qu'elle allait mourir.

Hier soir, Lara Logan a raconté son cauchemar à l'émission d'affaires publiques 60 Minutes, sur le réseau CBS.

L'agression dont la reporter a été victime n'est pas le genre de sujet dont on parle beaucoup dans les écoles de journalisme. L'image des correspondants à l'étranger est pas mal plus glamour, oscillant entre Tintin et Anderson Cooper.

Au cours des dernières années, plusieurs journalistes ont pourtant été blessés, kidnappés, assassinés. On pense à Daniel Pearl, du Wall Street Journal, au caméraman Charles Dubois, de Radio-Canada, qui accompagnait Patrice Roy en Afghanistan et qui a perdu une jambe, ou, plus récemment, au photographe et documentariste Tim Hetherington, qui est mort en Libye. De telles agressions font les manchettes, mais on parle rarement de viol.

Pour cette raison, Lara Logan a confié qu'elle avait décidé presque sur-le-champ qu'elle parlerait publiquement de son histoire. Elle dit le faire au nom des autres journalistes et des millions de femmes sans voix qui sont victimes d'attaques comme la sienne, ou pire encore.

L'engagement de Lara Logan à l'endroit des journalistes victimes de violence ne date pas d'hier. Depuis 2008, elle milite au sein du Committee to Protect Journalists (CPJ) et elle a déjà mené une collecte de fonds pour payer les soins médicaux d'un journaliste irakien qui avait subi des blessures dans le cadre de son travail. Toujours au sein du CPJ, elle siège à un comité responsable d'offrir un soutien, financier ou autre, aux journalistes victimes de violence et de répression dans leur pays.

La jeune femme était donc déjà sensibilisée à la question de la violence faite aux journalistes. Or, elle a confié au journaliste du New York Times, Brian Selter, qu'elle ignorait à quel point les femmes étaient victimes de harcèlement et de violence en Égypte et dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Un aveu surprenant de la part d'une journaliste, puisque même les touristes qui ont déjà visité l'Égypte racontent à quel point les femmes occidentales se font harceler dans la rue. Le fait que Mme Logan n'était pas assez informée des dangers qu'elle courait met en lumière le manque de préparation des journalistes féminins qui se rendent en zone dangereuse. Même le Committee to Protect Journalists a reconnu que son guide, mis à jour en 2003, passait ces risques sous silence et a promis de remédier à la situation dans sa prochaine édition.

Il aura malheureusement fallu cette odieuse agression pour qu'on reconnaisse l'importance d'offrir une formation spécifique sur cette question. Il faut maintenant souhaiter que les médias le reconnaissent rapidement et offrent une telle formation à leurs reporters féminins.

Quant à Lara Logan, elle est retournée au travail. La journaliste assure qu'elle va continuer à pratiquer son métier dans des zones dangereuses, mais qu'elle attendra avant de retourner au Moyen-Orient. Chose certaine, son nom est désormais synonyme de courage au féminin.

Open File Montréal est en ligne

La section montréalaise du site d'information locale et citoyenne Open File a commencé à publier des articles. Parmi les premiers sujets traités, la semaine dernière: la grogne des commerçants du Quartier des spectacles, le point sur les poules urbaines et l'avenir de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus. On rappelle le concept: les internautes proposent des sujets et Open File affecte un journaliste si son équipe juge que l'histoire est digne d'intérêt. L'histoire peut être complétée et enrichie au fil des jours. La formule fonctionne déjà dans d'autres villes canadiennes comme Ottawa et Toronto. On verra si les Montréalais apprécient cette initiative. Pour en savoir plus : montreal.openfile.ca