Mercredi dernier, au Téléjournal Midi, l'animatrice Anne-Marie Dussault a interviewé le maire de Québec, Régis Labeaume, dans la foulée de la conclusion d'une entente sur la gestion du nouvel amphithéâtre de la Vieille Capitale. Le président de Quebecor Media, Pierre Karl Péladeau, dont l'entreprise investira 33 millions de dollars dans l'aventure, avait refusé d'accorder une entrevue à la journaliste de Radio-Canada.

Durant l'entretien d'une dizaine de minutes, Mme Dussault a demandé au maire Labeaume s'il fallait voir une coïncidence entre la signature de l'entente avec Quebecor et la fin du conflit de travail au Journal de Montréal, survenue au même moment.

Le maire a refusé de répondre à la question et a ajouté: «Discuter de Quebecor avec quelqu'un de Radio-Canada, c'est un peu fatiguant...»

Le maire de Québec peut bien ne pas répondre à la question d'Anne-Marie Dussault, c'est son droit le plus strict. Le conflit qui a duré deux ans au Journal de Montréal n'a rien à voir avec ses fonctions. Là où le maire de Québec erre, c'est lorsqu'il estime inconcevable de parler de Quebecor avec une journaliste de Radio-Canada. Comme si Anne-Marie Dussault, journaliste chevronnée qui compte plus de 20 ans d'expérience, avait perdu toute objectivité parce qu'il s'agit de l'empire de Pierre Karl Péladeau et, incidemment, du concurrent de son propre employeur.

Un peu plus tard dans l'entrevue, l'animatrice du Téléjournal Midi a demandé au maire quel rôle jouerait la convergence dans le nouvel amphithéâtre de Quebecor payé avec l'argent des contribuables. Les citoyens de Québec auront-ils droit à une diversité culturelle ou la nouvelle salle de spectacle privilégiera-t-elle les produits culturels associés à l'empire de Pierre Karl Péladeau?

Réponse du maire Labeaume: «On ne gérera pas à sa place. (...) Rendu là, ça relève du «on aime ou on n'aime pas Quebecor»...»

Cette réponse est pour le moins étonnante.

Car la question de la journaliste de Radio-Canada était tout à fait légitime: est-ce qu'une infrastructure financée à même l'argent public servira de salle de spectacle réservée aux vedettes et aux activités commanditées par Quebecor? Dans ce cas, la facture de 33 millions peut paraître une aubaine pour son patron, Pierre Karl Péladeau. Quant aux citoyens du Québec, ils auront financé les activités d'une seule entreprise.

La réponse du maire de Québec est d'autant plus surprenante qu'elle indique qu'il prête à la journaliste des intentions malveillantes. Aux yeux de Régis Labeaume, Anne-Marie Dussault n'était plus une journaliste qui cherchait à faire son travail lorsqu'elle lui a posé cette question, mais bien une représentante de Radio-Canada qui attaquait Quebecor Media.

Est-ce à dire qu'à l'avenir, la loi du silence régnera autour de l'amphithéâtre et que seuls les journalistes de l'agence QMI, liée à Quebecor, auront droit de poser des questions sur le financement et la gestion de cette nouvelle infrastructure?

La réaction du maire de Québec est inquiétante. Déjà que ses relations houleuses avec les médias trahissent à quel point il ne respecte ni les journalistes ni la nature de leur travail... Mais voilà que ses commentaires à l'endroit d'Anne-Marie Dussault indiquent qu'il aurait choisi un camp, celui de Quebecor en l'occurrence, et que les médias membres de l'«autre camp» seraient automatiquement suspects.

Quand un animateur de jeu-questionnaire de TVA refuse une entrevue aux journalistes sous prétexte qu'il en réserve l'exclusivité aux médias de Quebecor, c'est désolant, mais les conséquences ne sont pas bien graves. Lorsque le maire d'une des villes les plus importantes du Québec ne répond pas à une question sous prétexte qu'elle est posée par une journaliste de l'autre «clan», alors là, on adhère à une logique malsaine qui ne peut que nuire au travail journalistique. L'attitude de Régis Labeaume à l'endroit d'Anne-Marie Dussault est inacceptable et, surtout, elle n'annonce rien de bon pour l'avenir.

Piers Morgan déçoit

Le remplaçant de Larry King est en selle depuis bientôt deux mois et il n'a toujours pas réussi à convaincre l'auditoire américain qu'il était l'homme de la situation. «D'où vient Piers Morgan et y a-t-il une façon de le renvoyer là-bas?» demande le critique de télévision James Welcott dans le dernier numéro de Vanity Fair. Décidément, les efforts de CNN pour changer son image ne portent pas les fruits espérés. La coanimatrice d'Eliot Spitzer, Kathleen Parker, qui occupait la case horaire de 20 h, vient d'être remerciée. Elle n'était en poste que depuis octobre. La nouvelle émission, animée par l'ancien gouverneur de New York, qui est entouré de collaborateurs, s'intitule désormais In the Arena. On le voit bien: CNN n'a pas beaucoup de patience et aimerait bien renverser la vapeur. Piers Morgan sera-t-il encore à la barre de son émission l'automne prochain? L'animateur britannique doit être nerveux.