Jeudi prochain, à Londres, l'organisme Women in Journalism tiendra une conférence sur le «plafond de verre» dans le milieu journalistique britannique. Les organisatrices dévoileront à cette occasion une étude qui révèle que les femmes sont moins susceptibles d'être nommées à des postes seniors ou de couvrir de la nouvelle brute (hard news) que leurs collègues masculins. Même les sections style de vie, affirme-t-on, seraient envahies par les hommes dans les médias britanniques.

C'est une situation qui est bien loin de la nôtre, au Québec.

J'ai parlé la semaine dernière avec le responsable d'un programme universitaire de journalisme qui me disait que 70 % de ses étudiants étaient des filles. Le journaliste de demain est une femme, a-t-il affirmé.

Quand je regarde autour de moi, dans la salle de rédaction de La Presse, je vois autant de femmes que d'hommes, et ce, dans tous les domaines sauf les sports. C'est une femme mère de trois enfants qui est adjointe au directeur de l'information et qui coordonne, en équipe avec un homme, la couverture des nouvelles générales. Ce sont deux femmes, Michèle Ouimet et Agnès Gruda, qui ont couvert la révolution en Égypte. C'est une femme, Sophie Cousineau, qui est chroniqueuse à La Presse Affaires, une section qui est également dirigée par une femme, Michèle Boisvert.

Dans les autres médias, c'est sensiblement la même chose. Le Devoir est dirigé par une femme, Josée Boileau, rédactrice en chef. Du côté de Radio-Canada, la plupart des bulletins d'information sont animés par des femmes, on compte plusieurs correspondantes à l'étranger et c'est une femme qui dirige le bureau parlementaire à Ottawa. À TVA, Sophie Thibault anime le TVA 22 h.

Le dernier bastion masculin demeure la très haute direction. Dans la plupart des médias québécois, ces postes sont occupés par des hommes. Comment expliquer l'absence des femmes? Ce n'est absolument pas une question de compétence, tout le monde s'entend sur ce point. C'est avant tout une question de disponibilité. Il faut être prêt à faire des sacrifices personnels énormes pour accéder à ces postes et ces sacrifices, les femmes n'ont pas envie de les faire, ou encore elles ne sont pas en position de les faire.

Cela s'explique par des raisons historiques: traditionnellement, ce sont les femmes qui étaient responsables de l'organisation familiale. Aujourd'hui, la situation tend à changer puisque les pères s'engagent de plus en plus auprès des enfants. Une nouvelle donne est cependant apparue chez les plus jeunes: femmes ET hommes accordent plus d'importance à leur qualité de vie et hésitent à tout sacrifier pour être disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il y a un prix personnel à payer pour être patron, et ce n'est pas tout le monde qui est prêt à le payer.

Autre signe que tout n'est pas encore gagné pour les femmes journalistes: les réactions à l'agression dont a été victime Lara Logan, reporter au réseau CBS, place Tahrir, en Égypte.

Ma collègue Marie-Claude Lortie, qui a parlé de l'incident à quelques reprises sur son blogue, a vu défiler sous ses yeux des commentaires abjects et sexistes à l'endroit de la blonde reporter. Première réaction: elle était belle et sa présence là-bas était une pure provocation. Deuxième réaction, venue une semaine plus tard: c'est une mère de famille de deux jeunes enfants, elle n'aurait pas dû aller en reportage dans une zone dangereuse.

Demandez-vous si vous avez déjà entendu dire qu'Anderson Cooper était trop beau pour se trouver en zone de guerre ou si Jean-François Lépine était complètement irresponsable de partir en reportage à l'étranger parce qu'il était père de deux enfants.

En 10 ans dans une salle de rédaction, je n'ai jamais entendu ce genre de commentaire réducteur. Le milieu journalistique québécois aurait-il évolué plus vite que le reste de la population? Encore cette semaine, une de mes collègues (belle, blonde et mère de deux jeunes enfants) s'est envolée en zone dangereuse pour couvrir la situation en Lybie, avec la bénédiction de ses patrons. Le Québec, eldorado des femmes journalistes?

Relations fête ses 70 ans

Rares sont les publications qui peuvent se vanter d'une telle longévité. La revue québécoise Relations ne fracasse peut-être pas les records de vente en kiosque, mais elle propose à chaque numéro un document de réflexion qui s'inscrit dans la tendance altermondialiste. Le numéro de mars est consacré à la force de l'indignation. Parmi les signatures: le cinéaste Bernard Émond (un indigné pur et dur, comme nous avons pu le constater lors de son passage à Bazzo.TV), la femme de théâtre Pol Pelletier (qui signe un texte sur Hélène Pedneault) et le documentariste Hugo Latulippe, qui est sans doute tombé dans la marmite de l'indignation à la naissance. Un numéro à méditer.