Inspiré du site WikiLeaks fondé par Julian Assange, QuebecLeaks doit voir le jour le 9 mars prochain. Depuis mardi dernier, ses promoteurs invitent les Québécois à faire parvenir des documents jugés sensibles. On ne sait pas encore si le projet est sérieux ou s'il s'agit d'un canular, mais dans l'éventualité où le site voit effectivement le jour, on peut se demander si un tel concept peut fonctionner au Québec. Et si oui, à quelles conditions?

«Si WikiLeaks a pu collaborer avec le New York Times, le Washington Post et le Guardian, pourquoi ça ne fonctionnerait pas au Québec? demande Brian Myles, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Tout dépendra de l'identité, de la rigueur et du sérieux des promoteurs ainsi que des médias avec lesquels ils vont s'associer. Pour l'instant, quant à moi, ce pourrait être une blague.»

«Est-ce qu'un QuebecLeaks pourrait apporter quelque chose de plus? poursuit le président de la FPJQ. Jusqu'ici, les médias n'ont pas eu besoin de ça pour faire leur travail d'enquête. La commission d'enquête que tout le monde réclame depuis un an, ce sont les journalistes qui la font.»

Le rédacteur en chef de Projet J, Michel Dumais, estime quant à lui qu'un QuebecLeaks aurait un potentiel certain. «Mais pour qu'un tel concept fonctionne, précise-t-il, il faut qu'il y ait une collaboration formelle avec les médias. Le filtre est important. Il faut prendre le temps de décrypter avant de publier.»

Au Conseil de presse aussi, on attend le 9 mars pour voir à quoi ressemblera cet éventuel QuebecLeaks. Ce qui n'empêche pas ses dirigeants de réfléchir à voix haute sur l'impact d'un tel site. «Ça soulève une multitude de questions, reconnaît Guy Amyot, secrétaire général du Conseil de presse. Oui, c'est un outil qui peut améliorer l'accès et la diffusion de l'information, mais cela doit se faire dans un contexte contrôlé. Dans quel environnement déontologique et éthique fonctionnerait un éventuel QuebecLeaks? Et s'ils publient des informations touchant la sécurité nationale ou celle d'individus ou encore, des secrets industriels, sauront-ils poser le jugement éthique nécessaire? C'est très délicat tout cela.»

Au-delà des questions techniques soulevées par les WikiLeaks, QuebecLeaks et OpenLeaks de ce monde, il y a aussi un aspect philosophique à considérer. «Ces sites s'inscrivent tout à fait dans la tendance de la transparence à tout prix, selon André Mondoux, professeur à l'École des médias de l'UQAM, spécialisé en culture numérique. Quel est le but de tout cela? Pomper une quantité phénoménale de documents parce que la technologie nous le permet? Ou défendre la libre circulation de l'information? Si c'est le cas, alors il faudrait se questionner pour savoir s'il faut tout dire et tout révéler dans notre société.»

Un avis que partage Guy Amyot du Conseil de presse du Québec. «Il faut se demander quel est le rôle du secret dans notre société, souligne-t-il. N'est-ce pas une question dont il faudrait débattre collectivement? Si des sites comme QuebecLeaks voient le jour, c'est peut-être parce que nos institutions sont trop secrètes? Alors il faudrait peut-être travailler à les rendre plus transparentes avant de dévoiler n'importe quoi, n'importe quand?»

Il faudra attendre au 9 mars pour en savoir davantage. Mais QuebecLeaks ou pas, il semble évident que les questions soulevées par un tel concept sont pertinentes et méritent d'être débattues.