Dure journée hier pour les journalistes internationaux qui couvrent la crise qui sévit en Égypte. Certains se sont retrouvés bien malgré eux au beau milieu des affrontements sanglants. Le reporter de Radio-Canada Jean-François Lépine et son caméraman, Sylvain Castonguay, ont été agressés par des manifestants, partisans du président Hosni Moubarak. Le reporter de L'Actualité, Jonathan Pedneault, et même le célèbre journaliste de la chaîne CNN Anderson Cooper ont goûté à la même médecine.

Si le président égyptien a annoncé son intention de ne pas se représenter aux prochaines élections prévues cet automne, il demeurera tout de même au pouvoir d'ici la tenue du scrutin. La décision, qui a provoqué des dissensions violentes entre les manifestants, a rendu, du coup, l'exercice du métier de journaliste beaucoup plus périlleuse, car les reporters ont été coincés au milieu des émeutes.

Jean-François Lépine et son caméraman se trouvaient hier à la place Al-Tahrir, au Caire, pour réaliser un reportage sur la situation égyptienne. Ils assistaient à des affrontements entre des partisans et des adversaires de Moubarak lorsque leur interprète a été attaqué par un émeutier.

«On a commencé à s'en aller tranquillement jusqu'à ce que quelqu'un dans la foule donne un coup de poing en plein visage au caméraman Sylvain Castonguay, a rapporté Jean-François Lépine sur le site internet de Radio-Canada. Et là, il y a eu comme une hystérie collective et, honnêtement, on en a vu, Sylvain et moi, des situations périlleuses, mais là ça a été terrible, incontrôlable. Des dizaines de gens se sont mis à le battre devant nous.»

Les deux hommes ont été tirés d'affaire grâce à l'intervention de l'armée. «C'est ça qui nous a sauvé la vie, parce que sinon, probablement que la foule nous aurait battus à mort», croit Jean-François Lépine.

Malgré tout, ils n'ont pas eu de blessures graves, assurait hier Nathalie Moreau, porte-parole de Radio-Canada. «Tout le matériel a été endommagé. Mais s'ils n'avaient pas lâché la caméra, ils y passaient», affirme-t-elle. Encore visiblement sous le choc, le journaliste a déclaré un peu plus tard hier, sur les ondes de RDI, que «la journée avait été d'une rare violence».

Peu de temps après l'agression, les deux hommes ont regagné leur hôtel, jugeant la situation trop dangereuse et risquée pour se rendre à l'hôpital. Sophie Langlois, une autre journaliste de la SRC dépêchée sur place, et Josée Bellemare, réalisatrice coordonnatrice, les ont rejoints. Jean-François Lépine et Sylvain Castonguay attendaient hier que la poussière retombe un peu pour appeler un médecin.

Un reporter de L'actualité blessé à la tête

Un jeune pigiste de L'actualité, Jonathan Pedneault, se trouvait également sur la place Al-Tahrir lorsque la manifestation a dégénéré. Il aurait d'abord trouvé refuge dans un hôtel des environs, puis dans un immeuble adjacent où s'étaient également terrés des manifestants pro-Moubarak. «Des anti-Moubarak auraient tenté de les déloger de là. Il s'est trouvé pris entre deux feux», a expliqué le rédacteur en chef adjoint de L'actualité, Charles Grandmont. «Nous n'avons pas un portrait clair de ce qui s'est passé, mais il semble qu'il ait été assailli lorsqu'il a tenté de quitter les lieux, vers 15 h. Il a été détroussé. On lui a tout volé. Ce sont des militaires qui l'ont emmené dans un hôpital où il a reçu des soins.»

M. Pedneault a reçu des points de suture à la tête. «Ce fut des heures très stressantes, mais on est extrêmement soulagés qu'il ait été retrouvé et que ses blessures ne semblent pas être graves.»

Le journaliste de CNN Anderson Cooper a lui aussi vécu des heures difficiles, selon les propos tenus sur Twitter par Steve Brusk, responsable du département politique chez CNN. Lors d'une manifestation, son équipe et lui auraient été encerclés par des partisans de Moubarak. Les membres de l'équipe auraient reçu plusieurs coups à la tête. Ils ont toutefois réussi à prendre leurs jambes à leur cou et à trouver refuge sur le toit d'un immeuble. Personne n'aurait toutefois été grièvement blessé.

La journaliste de La Presse Michèle Ouimet, envoyée spéciale au Caire, l'a pour sa part échappé belle. Lorsque la situation s'est envenimée, son traducteur l'a tirée par la manche. Ils ont couru pour échapper aux attaques. Du côté de TVA, on affirme que le journaliste Richard Latendresse est sain et sauf et qu'il n'a subi aucune blessure.

Rapatriement?

Pour le moment, la SRC n'a pas prévu rapatrier son équipe au pays. Seul le cameraman pourrait décider de rentrer au bercail. Il devrait prendre sa décision aujourd'hui. La diffusion du reportage prévu le 11 février à l'émission Une heure sur terre, animée par Jean-François Lépine, ne serait pas compromise.

Du côté de L'actualité, Charles Grandmont a affirmé hier soir qu'il était encore trop tôt pour prendre une décision à ce sujet puisqu'il n'avait pas parlé de vive voix à Jonathan Pedneault depuis son admission à l'hôpital.

- Avec la collaboration de Daphné Cameron