De l'émission de radio Bande à part, où elle a débuté comme animatrice, à Mange ta ville, qui entame sa sixième saison sur ARTV, en passant par Espace Musique, Catherine Pogonat mène un parcours original consacré principalement à la culture alternative. Personnage déconcertant dans le paysage radio-canadien, la jeune femme est devenue au fil des ans l'égérie des artistes émergents, qu'elle promeut avec un intérêt qui ne se dément pas.

«J'aime utiliser les médias pour parler de mes coups de coeur, explique-t-elle. Mais les médias ne sont pas une fin en soi, et je ne suis pas une animatrice à tout prix qui peut se mouler dans n'importe quel concept d'émission. J'ai compris que c'est à moi d'inventer ce que je veux faire pour parler de culture à ma façon.»

Depuis sa création, Mange ta ville a remporté neuf prix Gémeaux, dont celui du meilleur magazine culturel quatre années de suite, ainsi que le Gémeaux de la «meilleure animation magazine». Conçue avec le réalisateur Éric Morin, l'émission prend fin en décembre prochain. «Ce n'est pas le genre de projet qu'on fait sur le pilote automatique, souligne l'animatrice. On sentait qu'on connaissait super bien la formule et on ne voulait pas que ça devienne trop confortable.» Le concept ne disparaît pas pour autant puisque Mangetaville.tv deviendra une chaîne web consacrée aux réalisateurs émergents et aux nouveaux talents. Quant à Catherine Pogonat, elle planche, toujours avec Éric Morin, sur son prochain projet.

Très décontracté, le style d'animation de Catherine Pogonat, que certains qualifient de «relâché», est à 1000 lieues de ce à quoi nous a habitués la télé traditionnelle. «J'ai découvert un ton - pas trop encadré, pas trop placé - qui est devenu le mien, explique l'animatrice. J'ai une façon naturelle et conviviale d'aborder les gens sans tomber dans le people

Traiter tout le monde sur le même pied

C'est aussi l'approche qui a été privilégiée à Mange ta ville. «Dans la même émission, on peut parler de Silly Kissers et de Robert Lepage sans pour autant adapter notre discours à chacun, poursuit Catherine Pogonat. On traite tous les invités sur le même pied. Le défi, c'est de parler de la culture alternative tout en restant accessible.»

Parmi ses influences, Catherine Pogonat nomme George Stroumboulopoulos, animateur de CBC, ainsi que Claude Rajotte et Christiane Charrette, de Radio-Canada. «J'aime que Stroumboulopoulos reçoive des gens engagés, des hyper-alternatifs ou de très grandes vedettes avec son ton à lui.» La jeune femme dit aussi avoir beaucoup appris des entrevues de Christiane Charrette à la télévision. «J'aimais sa curiosité, son énergie. Elle respectait les codes de l'entrevue traditionnelle avec une audace et un ton peu communs.»

Enfin, Claude Rajotte a lui aussi beaucoup compté dans la façon dont Catherine Pogonat aborde le métier. «Il a toujours donné l'impression de ne pas avoir peur de grand-chose, observe-t-elle à propos de son collègue d'Espace Musique. Quand il était à Musique Plus, il pouvait présenter à la fois des concours avec lesquels il n'était pas à l'aise ou encore des clips de Britney Spears, tout en gardant son personnage et en continuant à animer des émissions comme le Cimetière des CD. Claude a une grande liberté artistique qui m'a toujours inspirée.»

À la veille de l'arrivée de Patrick Beauduin à la tête de la radio de Radio-Canada, Catherine Pogonat semble persuadée qu'il y aura toujours une place pour sa vision et ses projets. «J'ai l'impression que, à Radio-Canada, on comprend bien mon univers même si on ne comprend pas toujours ce que je fais, estime-t-elle. C'est toujours un défi de vouloir parler de gens moins connus ou d'aborder les choses différemment. Quand on a de nouvelles idées, il faut les expliquer. Mais je sens que ma démarche est comprise et respectée. Je ne suis pas une extraterrestre à Radio-Canada.»

Les sources de Catherine Pogonat

D'emblée, Catherine Pogonat affirme qu'elle est une fille de gang qui se nourrit beaucoup des suggestions de son entourage. «J'ai un excellent réseau autour de moi qui écoute beaucoup de musique et qui me dit: écoute ça! De plus, Facebook est hyper pratique, car les groupes de musique m'envoient directement leur lien MySpace ou leur maquette.»

Chaque matin, l'animatrice lit La Presse et Le Devoir. «J'ai aussi un côté culture pop, je veux savoir ce qui se passe, avec qui Madonna va réaliser son prochain disque.» Catherine Pogonat consulte aussi le site pitchfork.com ainsi que p45.ca, «pour l'air du temps, le ton ambiant». Côté magazines, elle lit Les Inrocks et Jalouse. «Je lis aussi Urbania, un groupe dont je suis proche, qui a comblé quelque chose d'inexistant au Québec.»

Très intéressée par la mode et le design, Catherine Pogonat consulte de nombreux blogues. Parmi ses préférés: lakejane.com, montrealstateofmind.com, designspongeonline.com et englishmuffinblog.blogspot.com. «Je ne regarde pas beaucoup la télé, mais je ne manque rien de ce que fait Marc Labrèche, ajoute-t-elle. J'admire sa façon d'amener des idées pas faciles à prendre, et ce, sur toutes sortes de sujets - culture, société, politique - et de le faire de façon complètement déstabilisante.»

À la radio, Catherine Pogonat aime beaucoup Le Sportnographe. «Ces trois gars-là sont brillants, ils ont un espace de création complètement hallucinant et une grande liberté. J'aime aussi Les pieds dans la marge (qui n'est pas en ondes actuellement). En fait, j'aime bien les gens qui s'assument.»