Il y a des journalistes qui ont l'enquête dans le sang. C'est le cas de Daniel Leblanc, correspondant du Globe and Mail à Ottawa, connu pour avoir mis au jour le scandale des commandites qui a mené à la création de la commission Gomery.

M. Leblanc a commencé tôt à s'intéresser à ce qui ne tourne pas rond. Dès ses premiers pas dans le métier, au journal étudiant La Rotonde, à l'Université d'Ottawa, Daniel Leblanc a rendu publiques les pratiques malhonnêtes d'un professeur qui avait falsifié les évaluations de ses étudiants. C'était la première d'une série d'enquêtes d'importance pour le reporter connu aujourd'hui d'un océan à l'autre comme le confident de l'informateur Ma Chouette.

Leblanc a commencé à travailler sur l'affaire des commandites en 1999. Dix ans plus tard, le spectre du scandale des commandites flotte toujours dans l'actualité.

Il y a deux semaines, Daniel Leblanc a fait la manchette quand la Cour suprême s'est prononcée à propos de la protection de l'identité de sa source principale, Ma Chouette. Et cette semaine, on souligne le cinquième anniversaire de la publication du rapport Gomery.

Dans son livre Nom de code: Ma Chouette - L'enquête sur le scandale des commandites, le journaliste raconte en détail les dessous de son travail. «Les gens connaissent mal l'enquête journalistique, estime-t-il. On croit qu'une source nous divulgue discrètement une information et qu'on recrache le tout, sans distinction. Or, l'enquête, c'est un mélange de temps, de persévérance et de chance. Il faut se battre pour faire parler certaines sources alors que d'autres parlent plus aisément. C'est très complexe.»

Si Daniel Leblanc est devenu un redoutable journaliste d'enquête, c'est un peu grâce à Edward Greenspon, ancien rédacteur en chef du Globe and Mail. «Après mes études en politique, je me suis inscrit au département de journalisme de l'Université de Carleton, raconte-t-il. J'étais en première année d'un programme de maîtrise en journalisme, et Edward Greenspon était «journaliste en résidence». Il m'a embauché comme assistant de recherche pour la rédaction d'un livre sur Jean Chrétien et Paul Martin. Ce fut un véritable cours de sciences politiques 101, doublé d'un cours pratique de journalisme. J'ai appris davantage en travaillant avec lui que dans n'importe quel cours d'université. Il a été mon mentor durant les quelques années que j'ai passées à ses côtés.»

À sa sortie de Carleton, Daniel Leblanc a été embauché comme stagiaire à l'Ottawa Citizen, à l'époque où Conrad Black était propriétaire de la chaîne de journaux Southam. «C'étaient de belles années, M. Black investissait massivement dans ses journaux», se souvient le journaliste.

Les leçons apprises à cette époque ont fortement marqué son approche du métier. «Mon patron au Citizen, Neil Reynolds, nous répétait toujours: «Sortez, allez dans les conférences de presse, rencontrez vos sources. Une petite idée peut grandir, mais pour cela, il faut être à l'affût et prendre son temps.»» Le conseil n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd.

Embauché par la suite au Globe and Mail, le jeune journaliste a choisi de consacrer ses temps libres à fouiller des sujets liés aux relations Canada-Québec. «J'avais des contacts, je faisais des demandes d'accès à l'information, je posais des questions du genre: combien ça coûte d'avoir le mot Canada illuminé sur un édifice fédéral ou une feuille d'érable sur les chèques des bourses du millénaire?»

De fil en aiguille, Daniel Leblanc est tombé sur une information plus croustillante: le tableau comparatif des dépenses fédérales au Québec et dans le reste du Canada. La différence était frappante.

Les articles publiés dans le Globe ont attiré l'attention d'une personne bien placée qui a communiqué avec lui pour le féliciter. C'était Ma Chouette. «Je crois qu'il ne voulait me parler qu'une seule fois, mais j'ai insisté pour qu'on se reparle. On a échangé des courriels. Son adresse courriel portait le nom de Ma Chouette. Le nom lui est resté.»

The rest is history...

Les sources de Daniel Leblanc

Le journaliste du Globe and Mail l'avoue d'emblée, Twitter a complètement bouleversé sa façon de s'informer. Présent sur le site de microblogues depuis le mois juillet dernier «parce que ça me permet d'écrire en français», Daniel Leblanc a fait de Twitter son fil de presse au quotidien. Le matin, après avoir lu le Globe et Le Droit, il allume son ordinateur et consulte son fil Twitter. «C'est mon point d'entrée vers plein d'articles, mais c'est aussi ma façon de suivre l'actualité. Twitter est ouvert toute la journée, c'est là que j'ai suivi le procès de Kadhr et les travaux de la commission Bastarache. Je le consulte aussi sur mon téléphone quand je suis en déplacement, et il m'arrive d'y faire un tour pendant que je suis en processus d'écriture, pendant que je fais mûrir une idée.»

Outre Twitter, Daniel Leblanc est abonné à National Newswatch, un agrégateur de nouvelles dans le domaine de la politique fédérale. Durant la journée, à la télé, il regarde RDI et CBC News Network. «Le cycle des nouvelles a changé, dit-il. Aujourd'hui, je ne vois pas ce que je peux apprendre de plus dans un bulletin d'information de fin de soirée, à 22 h. Je l'écoute encore, mais l'habitude se perd tranquillement.» En général, Daniel Leblanc n'a rien d'un téléphage. «Je regarde très peu la télévision. Quand j'entends parler d'une bonne émission, je la rattrape sur le web.»

Comme la plupart des journalistes, Daniel Leblanc consulte plusieurs magazines. Parmi ses préférés: L'actualité, Courrier international, The Economist et The New Yorker. Ce sont les seules sources qu'il accepte de révéler.